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BODIN (Mme Camille), née à Rouen en 1792.
La plupart de ses ouvrages ont été publiés sous le pseudonyme de
Jenny Bastide.


LE DAMNÉ, 2 vol. in-12, 1824. — Léonio est une victime de l’amour ; il aime une ambitieuse beauté qui méprise ses vœux à cause de la condition obscure où le sort l’a placé. L’orgueilleuse voudrait charmer l’univers, briller dans les cours, avoir des bijoux, des équipages, et le pauvre Léonio n’a qu’un cœur à lui offrir. En vain son amant essaye de toucher ce cœur inflexible ; ses soins sont inutiles. Sa jeunesse se flétrit, sa santé s’altère, Bianca est insensible à tout. Enfin, au moment où, couché sur son lit de mort, l’infortuné Léonio est prêt à rendre le dernier soupir, un être fantastique se présente devant ses yeux presque fermés. Une voix douce et sonore frappe son oreille : « Malheureux Léonio, tu vas mourir, et tu ne te plains pas ! Tu n’as connu de la vie que ses peines et ses privations : rejeté par l’objet de ton amour, méprisé par lui, ne regrettes-tu pas la vie et ne ferais-tu rien pour la conserver encore ? — Et qu’en ferais-je sans Bianca ? je la refuserais sans son amour. — Crois-moi ; ne refuse pas mes services, répliqua la voix trompeuse. Si tu veux, tu vivras, tu seras aimé de Bianca, et vous serez tous deux riches et puissants. — Aimé de Bianca ! et à quel prix ? » Tel est à peu près la substance de la conversation qui eut lieu entre Léonio mourant et l’envoyé du malin esprit. Le marché fut bientôt conclu ; l’idée d’être aimé de Bianca rendit Léonio facile sur les conditions : on lui promit une année de bonheur, et il consentit à tout. C’est dans le livre qu’il faut lire les détails de sa métamorphose et sa transformation étrange. Sous un nouveau nom, et suivi d’un train magnifique, il sollicite et obtient la main de Bianca. La cérémonie achevée, il décide sa future à le suivre en France. Là, établis tous deux dans une délicieuse retraite située sur les bords de la Loire, ils seraient heureux si la coquetterie insatiable de Bianca ne lui faisait désirer d’aller briller sur un plus vaste théâtre : elle veut aller à la cour. Léonio cède ; on part, on arrive ; la réputation de la jeune Espagnole l’avait précédée ; on ne parle que de sa beauté ; elle cherche à plaire, elle plaît, et Léonio est oublié. Mais un mari de cette espèce est difficile à tromper ! il possède le moyen d’être présent aux entretiens les plus secrets, et l’ingrate Bianca reçoit une cruelle punition de sa coquetterie. Le mariage de Bianca n’est pas le seul événement dans lequel l’auteur fait intervenir le diable ; il y a dans l’ouvrage un grand nombre de tours de sorciers. Le plus adroit est qu’au dénoûment le trompeur est trompé ; on lui escamote lestement le prix de ses peines, et, malgré toute son adresse, il est dupe d’un tour de passe-passe très-adroit.