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d’Aragon et de Sicile, qui cherche à les retenir à sa cour ; mais, effarouchés par l’appareil militaire qui environne ce soldat érudit, ils vont chercher à Florence un asile plus sûr et plus paisible. Là, ils retrouvent, non la patrie, car jamais on ne la retrouve, mais ces soins délicats qui adoucissent le supplice de l’exil ; l’hospitalité généreuse de Médicis tâche de leur rendre tout ce qu’ils avaient perdu, tout, jusqu’aux souvenirs du passé. Cependant ils emploient vainement tous les moyens que donne la supériorité de l’esprit pour exciter l’Europe contre les Turcs. Bientôt, à l’enthousiasme qu’avaient excité leur présence et leurs malheurs, succèdent l’indifférence et l’oubli. Ils se dispersent découragés ; les uns vont mourir dans leur patrie, les autres chez quelques petits princes qui cultivaient les lettres. Tel fut le sort de ces hommes qui contribuèrent le plus à tirer l’Europe des ténèbres de l’ignorance, et aujourd’hui à peine leurs noms sont-ils connus ! M. Villemain en explique ainsi la raison : « Ils répandirent autour d’eux l’admiration et le goût des arts ; ils agitèrent l’esprit humain ; ils sauvèrent la plus belle moitié des monuments antiques ; mais eux-mêmes ils n’ont pas créé de monuments. Ainsi, leur souvenir a disparu dans la gloire des grands hommes formés à leur exemple, et la grandeur même de leurs services en a plus rapidement fait perdre la trace. »

Cette rapide analyse fait voir qu’il ne faut pas chercher dans Lascaris l’intérêt fugitif de quelques aventures romanesques, mais ce plaisir plus durable et plus vrai qu’on trouve à d’ingénieuses pensées, revêtues des plus belles formes du langage.

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VILLEMAIN (Henri).


EUDOXIE, 2 vol. in-12. — L’histoire d’Eudoxie ne présente pas des événements très-compliqués. Adolphe Montigni aperçoit dans un bal une jeune beauté dont il devient tout d’un coup éperdument amoureux, et cet heureux mortel devient bientôt l’amant aimé de la plus belle et de la plus vertueuse des femmes. Malheureusement, un beau soir, au clair de lune, il fait la rencontre d’une jolie espiègle, dont le minois et le langage sont tout ce qu’il est possible de voir de plus agaçant ; les beautés de la nature, l’azur du ciel, la fraîcheur de la soirée, l’amour, l’occasion, et peut-être, quelque diable aussi le poussant, Montigni triomphe de la vertu d’Alphonsine. Les suites de cette faute ne purent longtemps être cachées ; sa honte va bientôt se dévoiler à tous les yeux. Mais Eudoxie est son amie, et cette femme, capable de tous les sacrifices, ordonne à Montigni de renoncer à la femme