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ques et aux ministres du temps ; c’est un jugement des actions et des sentiments des hommes porté par des êtres d’une force immense, et en même temps d’un caractère froid, réfléchi et philosophique. Le monarque de ces fils d’Anack est la personnification d’un roi patriote, indifférent à ce qui est curieux, froid pour ce qui est beau, et ne prenant intérêt qu’à ce qui concerne l’utilité générale et le bien public. – Dans le voyage à Laputa, on trouve quelques allusions aux philosophes les plus distingués du temps ; mais la satire est plutôt dirigée contre l’abus de la philosophie que contre la science elle-même. – Le voyage chez les Houyhnhnms est une diatribe sévère contre la nature humaine, inspirée par l’indignation que Swift éprouvait pour le gouvernement de l’Irlande. Vivant dans ce pays qu’il détestait, où il voyait l’espèce humaine divisée en petits tyrans et en esclaves opprimés ; idolâtre de la liberté et de l’indépendance qu’il voyait chaque jour foulées aux pieds, l’énergie de ses sentiments n’étant plus contenue, lui fit prendre en horreur une race capable de commettre et de souffrir de telles iniquités. Cette quatrième partie des Voyages de Gulliver est de beaucoup inférieure aux trois autres.

La réputation des Voyages de Gulliver se répandit promptement en Europe. Voltaire, qui se trouvait alors en Angleterre, en fit l’éloge à ses amis de France, et leur recommanda de les faire traduire. L’abbé Desfontaines entreprit d’en faire une version, et depuis lui on en a fait plusieurs traductions. On a aussi publié en Angleterre une continuation et une imitation des Voyages de Gulliver, ainsi que des parodies, des clefs et des critiques : tout cela est oublié depuis longtemps ; mais le chef-d’œuvre de Swift est resté, et d’années à autres on en publie de nouvelles éditions.

LE CONTE DU TONNEAU, traduit par Van Effen, 8 vol. in-12, fig. La Haye, 1786. — Le conte du Tonneau est un roman satirique et allégorique, contre les trois principales communions qu’il y a dans la religion chrétienne. Sous les noms de Pierre, de Martin et de Jean, qui sont les trois héros du livre, il faut entendre l’Église catholique, dont saint Pierre a été le premier chef visible ; par Martin, l’auteur entend la religion protestante, dont Martin Luther a été le promoteur ; Jean représente les réformés, dont Jean Calvin a été le chef. Le frontispice de ce volume représente le théâtre d’arlequin, la chaire d’un ministre, et l’échelle d’un pendu qui harangue la populace pour la dernière fois.

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