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compagnon de voyage, qui a deviné le secret de sa fortune intarissable, est poursuivi par l’affreuse idée de lui ravir son talisman, et cette convoitise amène des scènes curieuses. Bref, le baron si jaloux de s’enrichir et de vivre, cet homme qui avait des millions inépuisables au service de toutes ses passions et de tous ses désirs, n’attend par même le jour si prochainement désigné pour sa fin, et se délivre violemment d’une vie abreuvée de déceptions et d’ennuis. En mourant, il brise la merveilleuse machine qui convertissait le charbon en diamant, pour épargner à tout autre mortel un sort aussi affreux que le sien.

Beczi-Moustapha est une tradition très-amusante sur le sultan Mourad ; c’est un pari qui se trouve engagé entre ce sultan, célèbre par ses cruautés, et un pauvre gueux d’ivrogne, et que celui-ci, grâce à sa présence d’esprit et à sa hardiesse, gagne à son honneur en enivrant le fils du prophète. Beczi finit par devenir le premier favori du sultan ; à sa mort on lui fit de magnifiques funérailles, et son corps fut déposé avec une pompe inouïe dans une fosse creusée au seuil d’une taverne, et placée entre deux tonneaux.

MANVEL, IL PUCINELLA ET L’HOMME AUX MADONES, in-8, 1834. — Deux vieillards qui cherchent et épuisent, pour venger d’anciens outrages, tous les raffinements de la haine ; deux jeunes filles ensevelies dans leurs voiles de fiancées ; deux amants, sombres Espagnols, qui ont la lèpre, l’un sur le corps, l’autre dans l’âme ; une messe de mariage célébrée dans la chapelle d’un cimetière, une confession qui se termine par un coup de poignard, tout cela promet aux jolies lectrices de vilains rêves et des attaques de nerfs. Il est difficile de se détester plus cordialement que ne le font Philippe Germain et Pierre Seguin, l’un procureur au bailliage et chef du parti des Valois à Senlis, l’autre quartenier et représentant fougueux de la Ligue. Leur haine implacable est un gouffre où ils jettent toute leur famille ; mais il ne faut pas croire qu’il n’y a dans ces deux hommes qu’une animosité de parti : non, c’est une querelle particulière qu’ils vident dans l’arène de la politique. Philippe Germain, dans sa jeunesse, a dérobé à Pierre Seguin le cœur de sa femme, et l’époux outragé attend pour venger son injure que les filles de l’adultère soient grandes et belles. Jacynthe et Martinette, voilà ses victimes ! Manoël et Christoval, voilà les envoyés de sa vengeance ! Manoël, qui cache sous son pourpoint et ses dehors séduisants autant de crimes et de vices que Christoval de plaies et d’ulcères sous sa cuirasse et son masque de velours. — On peut reprocher à l’auteur de ce roman une recherche ambitieuse de grands effets. Le public, sans doute, veut des émotions à tout prix ; mais doit-on céder à ses caprices, et