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d’autre danger que la compassion qu’il éprouvera pour celle qu’il faut nécessairement qu’il abandonne. Tout cela peut faire assez d’effet dans une oraison funèbre ou dans une inscription de monument, où le privilége de taire les mauvaises qualités et d’exagérer les bonnes permet de présenter de semblables modèles de perfection ; mais dans ce monde, dans cette vallée de larmes, et sur cette terre d’épreuves, une vertu sans tache, une perfection invariable ne se trouve pas et surtout n’intéresse pas. — La véritable héroïne du roman, celle au sort de laquelle on prend un intérêt profond, est la malheureuse Clémentine, dont la folie, dont toute l’histoire est digne du grand peintre qui avait déjà tracé les malheurs de Clarisse. Il y a dans cette histoire des scènes égales à tout ce que Richardson a jamais écrit de plus admirable, et qui suffiraient pour le placer au nombre des écrivains les plus distingués dans son genre de composition. Le talent de Richardson, dans les scènes les plus tragiques et les plus déchirantes où il nous montre l’innocence malheureuse, comme dans l’histoire de Clarisse et de Clémentine, n’a jamais été et ne sera probablement pas surpassé.

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RICHTER (Jean-Paul-Frédéric), littérateur allemand.


TITAN, traduit par M. Philarète Chasles, 2 vol. in-8, 1834. — Le fond de ce livre est l’amour d’un jeune homme au cœur chaud, à la bonne nature, Albano de Césara, pour une vierge digne de lui, Liane, qui est atteinte d’une cécité passagère et répétée, et son amitié pour son jeune frère Roquairol, organisation orageuse et fantasque, usée par une jeunesse de débauche et de passions. L’histoire d’Albano opposé à Roquairol, c’est l’histoire, prise depuis sa plus tendre enfance jusqu’à son plus grand développement, d’un être qui, conséquence rigoureuse d’une position exceptionnelle, d’une éducation toute spéciale, traverse la vie en se heurtant à toutes les douleurs, en buvant à la source de tous les plaisirs licites ; souffrant avec noblesse ; goûtant le bonheur, mais dans ce qu’il a de pur seulement ; exposé à chaque instant à se voir entraîner par de fallacieux principes, et marchant cependant d’un pas ferme vers le but que sa raison lui a montré ; enfin sacrifiant à ses devoirs tout ce qu’une cour débauchée peut offrir de délices à un jeune homme qui entre dans le monde. Au milieu de l’action, sont jetés des personnages qui lui donnent quelque vie et quelque corps ; un groupe de cinq femmes, dont chacune a sa physionomie distincte ; un Grec, Dion, qui personnifie les beaux-arts ; un bibliothécaire, Shappe, le plus imperturbable plaisant qu’on puisse imaginer ; le lecteur August, tout empreint de