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lentes qualités, désarmèrent celui qui avait espéré la séduire, et il résolut d’en faire sa femme. Elle se conduisit avec tant de douceur, de dignité et de modestie, qu’elle se fit aimer de tout le monde, même des parents de son mari, qui la méprisaient d’abord : elle jouit maintenant des bénédictions du pauvre, du respect des riches, et de l’amour de son époux. — Celui qui me raconta cette histoire, ajouta qu’il avait eu la curiosité de séjourner du vendredi au dimanche dans le voisinage, afin de voir cet heureux couple à l’église : il les vit ; il y avait dans leurs personnes un mélange de douceur, d’aisance et de dignité ; il n’avait jamais vu une femme plus faite pour être aimée. Mon ami me raconte leur histoire avec un véritable enthousiasme. — Voilà, continua Richardson, le fondement de l’histoire de Paméla. Lorsque je composais cet ouvrage, ma digne et respectable femme, et la jeune dame qui est avec nous, à qui j’avais lu quelques parties du roman commencé, avaient coutume de venir tous les soirs dans mon petit cabinet. — Avez-vous quelque chose à nous dire de Paméla, M. Richardson ? c’était la question ordinaire. — Nous venons pour apprendre s’il lui est arrivé quelque chose de nouveau, etc. — Cela m’encouragea, et je travaillai avec tant d’ardeur, malgré les occupations de mon état, que l’ouvrage, commencé le 10 novembre 1739, était achevé le 10 janvier 1740. »

La publication de Paméla fit une grande sensation. Jusqu’alors les romans étaient tous dans l’ancien goût français ; ce n’était que l’histoire des amours sans fin de princes et de princesses, racontées en style exagéré et froid, et d’une métaphysique absurde. Ces productions fastidieuses n’offraient pas la moindre expression d’un sentiment vrai. La simplicité du roman de Richardson formait un contraste frappant avec ces ennuyeuses productions. À son immortel honneur, il a été peut-être, dans le genre de composition qu’il a choisi, le premier romancier qui ait banni les ornements étrangers à la nature, pour peindre les passions vraies du cœur humain. Une jeune fille, dont l’innocence est exposée aux séductions d’un maître dissolu qui a recours même à la violence, et qui est obligé enfin de céder à l’empire de cette vertu qu’il n’a pu vaincre ; cette jeune fille récompensée de sa persévérance par le titre d’épouse de ce maître qui, rentré dans les sentiers de l’honneur, l’élève à son rang, et met sa fortune à ses pieds : tel fut le roman simple qui vint étonner et émouvoir le lecteur. — Le caractère modeste et pur de Paméla est bien soutenu dans tout l’ouvrage ; elle supporte avec tant de douceur ses malheurs et ses afflictions ; ses intervalles d’espérance et de tranquillité se mêlent si naturellement à ses peines, que l’ensemble de cette composition est très-édifiant. Les personnages secondaires sont tous peints