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couter que la voix du ciel. Elle est aimée, elle aime, et cependant elle se consacre au cloître, lorsque dans un naufrage elle est recueillie par des pirates qui la conduisent en Afrique. Vendue comme esclave au roi de Tunis, elle devient l’épouse de ce prince qui la place sur le trône. Après dix ans d’hymen et de royauté, elle revoit celui qu’elle aimait autrefois, qu’elle aime encore, et qui a prononcé des vœux dans l’ordre de Malte. Almaria abandonne alors son époux et sa couronne, et revient en Espagne, emmenant avec elle son fils qu’elle a élevé dans la foi chrétienne. Cette histoire, quelque peu exagérée dans ses peintures de dévouement, d’amour et de piété, ne manque pas d’un certain charme poétique.

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RESTIF DE LA BRETONNE (Nicolas-Edme),
né à Sacy (Yonne), le 22 novembre 1734, mort en 1804 ou en 1806, car on n’est pas d’accord sur l’époque précise de son décès.


Environ deux cent cinquante volumes sont sortis de la plume de ce fécond écrivain. Mais ses habitudes, peu en harmonie avec la dignité de l’homme de lettres, le retinrent presque toujours dans une basse et repoussante société. Il ne put jamais acquérir du goût, et manqua de la connaissance du grand monde ; aussi le peignit-il mal lorsqu’il voulut l’essayer ; en revanche, nul mieux que lui n’a fait connaître le langage, la manière de sentir, les mouvements de l’âme, les mœurs, les usages des dernières classes du peuple de Paris. Il y a dans ses tableaux des choses frappantes de vérité, des traits admirables, et qui peignent ce qui passe sous nos yeux. Il a pris la nature sur le fait ; il la montre dans toute sa simplicité, ou dans son horrible turpitude. Il décrit les caprices, les fantaisies du vice en homme qui a puisé aux sources. Il ne faut pas demander à ses personnages la délicatesse idéale des héros, des héroïnes de nos romans de bon ton ; il ne se doute pas qu’elle existe. Il rend les femmes telles qu’il les a vues, les hommes tels qu’ils se sont montrés à son regard ; mais ce sont bien eux véritablement. « Outré dans l’expression des mœurs de l’hôtel, cynique dans celles du carrefour, dit M. Kératry, Restif a été admirable dans la peinture du village. C’est là qu’il excelle ; avec lui vous devenez en toute vérité, l’habitant de la ferme, ou plutôt vous pénétrez sous la tente des anciens patriarches. » — Restif, en général, n’est connu dans la littérature que d’après ses parties les moins recommandables. La platitude ordinaire de son style, l’extravagance de son amour-propre, le peu de distinction des personnages qu’il fait mouvoir, la singulière orthographe qu’il avait