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des plus offrants fanatiques ; puis ces bandes de voleurs sans patrie, sans foi, sans Dieu, pillant, tuant, incendiant avec une égale avidité, celui-ci pour celui-là, le papiste dévoué ou l’anglican résolu, moines ou prédicants, catholiques ou réformés, tous, sans exception, sont animés d’une rage indicible, et les ministres d’un Dieu de paix sont partout les plus terribles artisans de discordes. — Ce livre ne peut être indifférent à ceux qui veulent connaître l’origine, de l’oppression où a si longtemps gémi l’Irlande ; ils y trouveront des descriptions de mœurs fort pittoresques, et des détails de coutumes empreints d’un vif coloris de localité. Le XVIIe siècle en Irlande, avec une cour proscrite, traînant un luxe misérable une étiquette aristocratique, à travers des plaines ravagées et sur un territoire où la fidélité chancelle, est une révélation d’un intérêt singulier. La sottise des grands, la niaiserie des vanités, s’y trouvent peintes dans toute leur misère. On ne sait jamais trop ces événements-là, et pourtant l’histoire en est pleine.

L’ANGLO-IRLANDAIS DU XIXe SIÈCLE, roman historique irlandais, traduit pas Defauconpret, 4 vol. in-12, 1819. — Banim s’est proposé un but analogue à celui de Walter Scott : il a voulu peindre les mœurs locales de l’Irlande, sa patrie, mais sans employer les mêmes moyens ni les mêmes couleurs que son devancier. Les sujets qu’il affectionne, qui conviennent à son esprit, ce sont ces esquisses de l’Irlande actuelle, d’une nation vive, énergique, passionnée, naïve et spirituelle, qui lutte contre la tyrannie des préjugés et des hommes. Le travers qu’il s’est attaché à peindre dans la personne de l’Anglo-Irlandais est celui d’un grand nombre de ses compatriotes que la vanité exile loin de leur pays, au milieu d’une société dont ils s’efforcent en vain d’imiter les manières et d’acquérir les suffrages, et qui cherchent inutilement à cacher leur origine étrangère. — Gérald Blount est le fils d’un seigneur irlandais, lord Clangore, qui a participé puissamment au fameux acte d’union, et qui, par suite de cet acte, a passé en Angleterre, et s’est attaché au sort du ministre auteur principal de cette grande mesure. Les préjugés de son père ont éloigné soigneusement Gérald de tout contact avec l’Irlande ou ses habitants : son éducation a été toute anglaise ; il lui doit toutes les préventions du beau monde contre le peuple, contre le langage, les mœurs, les usages et le génie national de sa patrie véritable ; mais sa destinée est de rectifier par l’expérience ces fausses notions accréditées par l’ignorance et la mauvaise foi. Le hasard le conduit, sans qu’il s’en doute, sur cette terre où il a fait serment de ne jamais mettre les pieds, et le rapproche de cette population énergique et spirituelle que les lieux communs de la conversation anglaise l’avaient habitué à considérer tout au plus comme une réunion de brutes sans intel-