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térêt. M. Balthazar Claës, qui unit les richesses de l’antique Flandre à la plus haute noblesse espagnole, habite à Douai une maison où se sont accumulées toutes les merveilles héréditaires de ces ménages opulents. Jeune, il est venu à Paris, où il s’est fait présenter dans les meilleures sociétés ; il a même étudié la chimie sous Lavoisier, et ne s’est retiré du tourbillon mondain que pour épouser Mlle de Temninck, avec laquelle il vit dans un long et fidèle bonheur. Mais, à partir de 1809, les manières de Balthazar s’altèrent graduellement ; une passion secrète le saisit et l’arrache bientôt à tout, à la société, même aux joies domestiques dont il se repaissait avec candeur. Il redevient chimiste, ou plutôt alchimiste, et se livre avec ardeur à la recherche de l’absolu, ce qui veut dire pour lui la transmutation des métaux et le secret de faire de l’or. Il s’y oublie, il s’y acharne ; il tue sa femme de chagrin ; il s’y ruine, ou du moins il s’y ruinerait, si l’imagination du romancier ne venait sans relâche au secours de cette fortune qui se fond dans le creuset, et si la fille aînée de Claës ne réparait à temps chaque désastre, comme une fée qui étend coup sur coup sa baguette d’or. À travers toutes les chimères de l’alchimiste, ce qui ressort à merveille, c’est l’insatiable espoir de l’adepte ; ce qui palpite, c’est sa fièvre ardente, incurable, une fièvre d’avide crédulité ; on s’impatiente de l’entendre louer pour son génie par des imbéciles, on le traite de fou délirant ; on accuse la faiblesse de ses proches, qui ne l’ont pas fait enfermer déjà ; on tremble quand on voit sa fille aînée lui obtenir, pour l’arracher à son laboratoire, une recette générale au fond de la Bretagne ; on froisse la page sous la main, mais on y revient ; on est ému enfin, entraîné ; on se penche malgré soi vers ce gouffre inassouvi.

LA VIEILLE FILLE. — La Vieille fille est un livre que nulle femme ne peut lire sans rougir, une impure et triste composition, où le cynisme est partout. Une vieille fille habite Alençon ; elle est riche, elle a trois galants, elle en épouse un, et éprouve des déceptions d’une telle nature, que l’histoire peut s’intituler jusqu’au bout la Vieille fille : voilà tout le roman. Sur ce frêle sujet, l’auteur a écrit un volume de portraits érotiques et de détails graveleux, dont on nous dispensera de faire une plus longue analyse.

ILLUSIONS PERDUES. — Monsieur Nicolas Séchard est un vieil imprimeur avare, qui vend à son fils David ses presses, son brevet et sa clientèle, au prix de trente mille francs, sur lesquels il lui en vole au moins vingt-cinq, et qui, après ce marché avantageux, se retire à la campagne. Après avoir tracé le portrait du père et du fils Séchard, l’auteur les abandonne pour s’occuper du héros de ses illusions perdues, le jeune Lucien Chardon, dandy de