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d’un grand seigneur, d’un financier, maître de langue, commis d’un fabricant, prisonnier au fort l’Évêque, il passe son enfance et sa jeunesse, soutenu dans ses traverses par une gaieté insouciante, par un optimisme inaltérable, par une conscience restée pure au milieu de bien des étourderies. Devenu homme, Fauvel se voit à la tête d’une riche fabrique ; heureux époux, heureux père, il semble n’avoir plus à craindre que les embarras et les dangers, plus nombreux qu’on ne pense, de la prospérité, lorsque par de soudains revers de fortune il perd tout, richesse, famille, patrie, épouse. Il ne cherche plus alors à s’étourdir sur ses malheurs par l’insouciance, il n’appelle pas à son secours un dur et froid égoïsme ; il oppose aux maux réparables une activité courageuse ; il sent vivement les peines du cœur, et, à défaut de consolations dont il ne veut pas, il trouve du moins de la force pour l’accomplissement des devoirs qui lui restent à remplir. La vieillesse de Fauvel ressemble aux autres époques de sa vie ; il voit son repos troublé, lorsqu’il en a le plus besoin ; le seul fils qu’il a conservé, il le perd par une affreuse catastrophe, au moment où un mariage désiré va faire le bonheur de deux familles ; et le pauvre Fauvel n’a plus pour ses derniers jours que sa pieuse résignation et l’attente d’une vie meilleure : mais ces ressources, qu’il trouve en lui-même, suffisent pour qu’une mort digne d’envie termine cette existence agitée. — On voit que la pensée qui domine tout l’ouvrage s’y reproduit sous toutes ses faces, et reparaît sans cesse dans les situations les plus diverses. Un autre mérite digne de remarque, c’est que tous les personnages groupés autour de Fauvel ont chacun leur caractère propre, et conservent jusqu’au bout leur physionomie. Les vertus évangéliques de l’oncle, le bon pasteur ; la haine cupide et envieuse de la famille Ménars, les tribulations d’Achille Fauvel, l’enthousiasme et le cœur d’artiste de l’honnête Roland, la bonhomie vaniteuse de Mme Dumarsay, les inutiles empressements de l’officieux Blaveaux, la circonspection du principal commis Saint-Hubert, la vertu janséniste du conseiller Naudé, et un grand nombre d’autres caractères, saisis avec finesse et dessinés avec vérité, jettent dans le récit une variété qui en soutient l’intérêt, et donnent au lecteur la satisfaction de croire qu’il est lui-même observateur, lorsqu’il distingue et reconnaît ces différents caractères.

LE GIL BLAS DE LA RÉVOLUTION, 5 vol. in-12, 1824. — Laurent Giffard, le héros de ce roman, est un de ces hommes propres à tout, ayant peu de principes, point de fortune, et tout juste autant de caractère qu’il en faut pour se soumettre constamment à la volonté du premier venu. La révolution le surprend à vingt-deux ans, premier garçon chez un perruquier, et comme il a la