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vieux manoir abandonné, le guide qui les conduisait leur raconte l’histoire du chef de l’illustre famille de Las Sierras. Ce chef était un bandit vivant de rapines et de toutes sortes de brigandages ; un jour il enleva sa nièce Inès de Las Sierras, et l’épousa. Inès essaya de ramener son époux à la vertu ; mais au premier mot de morale, le brigand lui coupa la parole en lui plongeant un poignard dans le sein. Depuis lors Inès revient chaque nuit au château de Las Sierras. Les officiers trouvent ce conte divertissant ; ils entrent au château, s’installent bravement dans un salon délabré et se mettent à souper. À minuit, un bruit de chaînes se fait entendre ; une femme paraît, vêtue de blanc, pâle, échevelée, mais belle encore ; c’est Inès de Las Sierras ; elle se met à table, soupe avec les officiers, et disparaît. Trois ans plus tard, un des officiers se trouvant au spectacle de Barcelone, reconnaît, au lever du rideau, dans une actrice pâle et vêtue de blanc qui s’avance sur la scène, l’ombre d’Inès de Las Sierras. Il s’informe et apprend que l’actrice sort d’un noble sang espagnol, qu’à seize ans elle fut séduite par un jeune comte sicilien qui l’amena en Espagne, où il l’abandonna. Inès, privée de ressources, se fit comédienne sous le nom de Pédrina ; plus tard, devenue riche, elle retomba entre les mains de son premier amant, qui l’assassina pour lui voler son or et ses diamants. La Pédrina ne mourut pas, mais elle devint folle ; comme elle n’était pas surveillée très-rigoureusement, elle parvint à s’échapper du couvent où elle était enfermée, et vint errer précisément parmi les ruines du château de sa famille où les officiers l’avaient aperçue pour le première fois. — Telle est l’analyse succincte de ce que M. Nodier appelle une bagatelle plutôt ébauchée qu’écrite en quelques heures de loisir. Cette nouvelle est précédée d’une préface où M. Nodier passe en revue la littérature depuis l’époque la plus reculée jusqu’à nos jours.

LES QUATRE TALISMANS, suivis de la légende de sœur Béatrix, in-8, 1838. — Dans un pays d’Orient un puissant génie distribue entre quatre frères quatre précieux talismans : le premier donnait à celui qui le possédait le pouvoir de découvrir les trésors enfouis ; le second, celui de se faire aimer de toutes les femmes ; le troisième, celui de tout savoir ; le quatrième ne consistait que dans une boîte remplie des instruments de tous les arts. On prévoit déjà que les trois premiers talismans ne seront, pour leurs possesseurs, qu’une cause d’infortune, et que celui qui se croyait le moins favorisé du génie avec sa boîte d’outils sera précisément celui qui parviendra à la fortune et au bonheur. C’est effectivement ce qui arrive ; mais le plus malheureux de tous est celui qui a reçu le talisman de la beauté ; toutes les femmes l’adorent, et,