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le tuer, et lui mit une balle dans le cœur ; mais la peau de chagrin se trouva tout à coup à peine grande comme une feuille de peuplier, et à peine lui resta-t-il assez de temps pour aller mourir à Paris, dans son bel hôtel, aux genoux de sa Pauline. — Ainsi finit ce roman, où l’on trouve des pages éblouissantes, de la moquerie légère et gaie, du trait, mais çà et là de l’exagération et du clinquant. Mais quel que soit le talent dépensé par l’auteur dans cette composition, les pages qui offrent le plus d’intérêt sont loin d’être aussi saisissantes que celles de la touchante nouvelle insérée dans le cinquième volume de la Revue des Deux Mondes, et intitulée le Message.

CONTES BRUNS PAR UNE TÊTE À L’ENVERS (par MM. Balzac, Chasles et Raban), un vol. in-8, 1832. — M. Balzac est l’auteur de la Conversation entre onze heures et minuit, collection d’anecdotes à passions brutales et scandaleuses, et du Grand d’Espagne, nouvelle empreinte d’une teinte aussi sombre pour le moins : c’est une nuit castillane avec ses intrigues d’amour, ses secrets de sang, ses poignards, ses hommes à manteaux ; c’est cette jalousie délirante qui ne recule devant aucun crime, qui assassine un bienfaiteur et mutile une amante. — Les productions de M. Chasles sont au nombre de quatre, diverses de sujet, diverses d’inspirations. On trouvera dans l’Œil sans paupière, une maladroite copie de Tam O’shanter de Burns, une imagination forte ; dans une Bonne fortune, un intérêt puissant ; dans la Fosse de l’avare, une création spirituellement burlesque ; mais le conte de prédilection est celui des Trois sœurs. Ce conte contraste d’une façon bien étrange avec les autres ; autant le fantastique et l’horrible sont prodigués dans ceux-ci, autant celui-là est simple, pur, vraisemblable. En voici l’analyse : Trois sœurs qui meurent de la poitrine ; et c’est là que l’auteur a rendu si doucement lugubre, c’est là ce qui intéresse, ce qui attache davantage que les amours violents. Mais aussi ces trois sœurs sont de si aimables, de si douces créatures ; l’amitié qu’elles se portent est si tendre, les soins qu’elles se prodiguent si sincères, leur caractère si naïf, quoique différent : l’une rieuse et enfant jusqu’à sa dernière heure ; l’autre mélancolique et poëte ; l’aînée enfin, raisonnable, sérieuse, regardant avec calme arriver sa mort prochaine, plaignant ses sœurs, et malheureuse surtout de leur survivre la dernière. Ce conte est une exception dans le livre. Le style est triste et touchant comme le récit ; c’est Bernardin de Saint-Pierre en face d’Hoffmann. — Quant à M. Raban, le premier de ses contes est Sara la danseuse, nouvelle incomplète, d’une invention bizarre et d’une touche indécise ; c’est l’histoire d’une jeune et jolie juive que son père maudit, qu’un ambassadeur conduit à Paris, qui se casse la tête en route, et que le diable emmène en enfer, où sa