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la tranquille retraite des pères jésuites de Cony ; le jour du pot, qui réunit, dans le manoir antique et délabré de Bog Moy, tous les nobles rejetons de la race milésienne ; le tableau pittoresque de la vallée de Moy Cullen et du saint monastère qui s’élève sur le bord de ses eaux paisibles, initient tour à tour le lecteur aux opinions et aux habitudes des divers partis qui composaient alors la population de l’Irlande. Quelques figures se dessinent avec avantage sur le fond de ces tableaux ; telles sont celle de Térence O’Brien, qui, des humbles fonctions d’enfant de cœur, s’élève, en embrassant la religion toute-puissante, à l’opulence d’un riche procureur, puis sacrifie sa fortune et son repos au désir de recouvrer le titre de ses ancêtres, de racheter par une rude pénitence le crime de sa conversion ; Shane, victime des persécutions de l’Anglais, reste infortuné des Rapparees, qui désolèrent longtemps l’Irlande, et modèle de l’attachement grossier, mais inaltérable, d’un ignorant vassal pour le chef de son clan ; les miss Mac-Taafe, gothiques représentants de l’hospitalité irlandaise, de l’orgueil nobiliaire et des ridicules provinciaux. — Le récit, quoique plein d’invraisemblance, quoique souvent ralenti par des longueurs fatigantes, excite, surtout dans les trois derniers volumes, un intérêt véritable ; mais les premiers chapitres du roman provoquent un tel ennui qu’il faut être doué d’une grande persévérance pour ne pas abandonner la lecture de ce livre dès le commencement.

SCÈNES DRAMATIQUES EMPRUNTÉES À LA VIE RÉELLE, trad. par Mlle Sobry, 2 vol. in-8, 1833. — Cet ouvrage se compose de trois pièces : l’Humoriste, proverbe ; les Vacances de Pâques, satire dialoguée ; le Manoir de Sackville, sorte de roman dramatisé. C’est la plus importante des trois pièces, et la seule dont nous nous occuperons. — Sir Fitz Gerald Sackville, type des gentilshommes irlandais, après avoir fait dans sa jeunesse des frasques, des dettes et des dupes, jouit sur ses vieux jours de l’usufruit de 10 000 livres sterling de rente, dont il use en opprimant, en pressurant, abrutissant ses pauvres tenanciers. Il a pour héritier Lumley Sackville, jeune Anglais qui veut devenir citoyen de l’Irlande, avec l’intention décidée de n’y opprimer personne, et de rester étranger à toutes les associations et unions politiques qui divisent ce malheureux pays. M. Galbraith, régisseur d’un manoir et chef des constables du lieu, est le type du petit propriétaire insolent, sans lumière et sans esprit, toujours à la merci des passions des grands. Mistress Quigley est la femme de charge du château ; avec elle commence le drame de lady Morgan. — Lady Emily Sackville a quitté son brillant hôtel de Berkeley-squarre, pour un édifice long et étroit, meublé comme au temps du roi Guillaume. Mistress