Page:Revue des Romans (1839).djvu/514

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


dront aussi intéressant pour la postérité que son père paraîtra petit et odieux, le talent de Mirabeau pour écrire sur toutes les matières brille de tout son éclat. Sous le rapport du sentiment, c’est le seul ouvrage qui puisse être comparé, pour la vraie chaleur et la vraie sensibilité, aux plus belles lettres de la Julie de Rousseau ; et pourtant quelle disproportion dans le sujet, la situation et les moyens ! Rousseau avait à sa disposition tous ceux d’un romancier qui arrange sa fable, la gradation, le nœud, les incidents, les épisodes, le dénoûment. Mirabeau, au contraire, dans la solitude d’une prison, dans le désespoir, dans l’abandon, et dans l’incertitude, plus cruelle encore, écrit durant quatre années, toujours dans la même situation, n’ayant jamais que le même cri, la liberté et sa maîtresse ; et on lit ces quatre gros volumes de lettres, où il n’y a pas un événement, avec autant de plaisir que le roman le mieux fait et le plus touchant. Jamais on n’a plus fait voir qu’il y a dans l’amour un charme qui n’est qu’à lui : c’est de n’avoir jamais qu’une même chose à dire, et de la dire toujours sans s’épuiser, ni se lasser jamais, et même sans lasser les autres, quand il a l’éloquence qui lui est propre. On sent bien qu’il ne s’agit pas ici des amants vulgaires ; on sait qu’ordinairement rien n’est si insipide pour un tiers que leurs conversations et leurs lettres ; il n’en est pas de même de l’homme supérieur ; comme il porte son génie dans ses passions, il révèle tous les secrets de l’un et de l’autre, et les rend d’un intérêt général. Mais ces mêmes lettres, qui parlent si bien au cœur, qu’on dirait que l’auteur n’a été occupé qu’à sentir et à aimer, parlent en même temps à la raison, de manière qu’il semble qu’il n’ait été occupé qu’à penser. À tous moments on y rencontre des vérités fortement énoncées, des expressions vastes, des réflexions fines ou profondes ; une lettre apologétique qu’il adresse à son père ; un examen des principes contenus dans ses écrits, et mis en opposition avec sa conduite ; un mémoire en forme contre lui, envoyé au lieutenant de police, sont autant de chefs-d’œuvre en leur genre, et réunissent à une dialectique victorieuse, une ironie amère et une élégance noble, sans jamais passer la mesure.

On a encore de Mirabeau : *Ma Conversion. — *Rubicon. — *Le Libertin de qualité, productions obscènes, qui ne présentent qu’une série de tableaux dégoûtants. — Contes et Nouvelles adressés du donjon de Vincennes à Sophie Ruffey, in-8, 1797. — Recueil de Contes et de Nouvelles, 2 part. in-8, 1785.

Séparateur

MONNIER (Henri), artiste dramatique, dessinateur et littérateur.


SCÈNES POPULAIRES, dessinées à la plume par H. Monnier, ornées d’un portrait de M. Prud’homme, etc., 2 vol. in-8, 1831-34. Les