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monde d’adorateurs qui l’enivraient d’encens, pour venir verser dans le sein de son amant un secret qui l’oppresse. Elle s’est assise ; il est resté debout, inquiet, troublé, dans l’attente de ce qu’elle va dire. « Thadéus, je suis enceinte. — C’est un malheur, un grand malheur, madame. — Il peut être réparé, Thadéus : je viens offrit au père de mon enfant ma main et le partage de mon immense fortune. — Ce mariage est impossible. » Révoltée, l’altière comtesse réclame ses droits avec une effrayante énergie, il doit lui rendre l’honneur, l’épouser. « Je ne veux pas. — Eh ! qui donc es-tu, pauvre mendiant que j’ai recueilli chez moi, proscrit, inconnu, à qui je donne par pitié, depuis un an, asile et du pain ? De quel droit oses-tu me jeter un insolent Je ne veux pas ? Qui donc es-tu, dis-moi ? — Je ne suis rien, comtesse, je suis moins que rien… un cadavre ! Pour se marier il faut des papiers ; voici les miens, tiens, lis : c’est mon extrait mortuaire… — Que veut dire cela ? s’écrie-t-elle tout effarée. — Cela, madame, répond-il d’une voix qui n’avait rien d’humain, cela veut dire que j’ai été pendu, moi Frédéric, comte de Wurzheim, pendu à Berlin le 16 septembre 1795 !!! … » Thadéus méprisait cette femme, il la fuit sans daigner ajouter que son injuste supplice n’eut rien d’ignominieux : victime d’une conspiration avortée, il avait été sauvé de la mort par l’industrie d’une chirurgien, et forcé de s’expatrier, sans pouvoir même instruire sa mère de sa miraculeuse résurrection ; car il y va des jours du chirurgien, de son sauveur : le silence fut la condition rigoureuse du bienfait. Dans cette situation neuve et bizarre, Thadéus va-t-il ployer sous le poids d’une infortune inouïe ? Non ; il entreprendra contre l’adversité qui le presse et l’écrase une de ces luttes courageuses dont le spectacle émeut profondément le cœur des hommes et captive les regards du ciel ; il demandera d’abord au travail de ses bras le pain de chaque journée ; il remontera peu à peu jusqu’au rang élevé d’où la fortune l’a précipité ; il ressaisira même sa couronne de comte, mais cette fois ce ne sera plus au hasard de la naissance qu’il devra ses dignités. Thadéus dérobe à Clarence, dont il craint l’immoralité, sa petite fille à peine née, et lui consacre toute son existence ; il ne tient à la vie que par ce frêle lien, et il s’y cramponne avec amour. Cette résolution a fourni à l’auteur des effets heureux, et il a su en faire jaillir une foule de situations dramatiques du plus grand effet.

UN SECRET, 2 vol. in-8, 1835 (plus particulièrement attribué à M. Brukère). — Clémentine Delavergne, fille d’un ancien général, est tombée dans le piége que lui a tendu Émile de Luçon ; elle s’est livrée à lui sans réserve, parce qu’Émile lui a persuadé que demander sa main à son père c’était provoquer un refus certain, et que pour arriver à être publique un jour, leur union