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mêmes de quoi lutter contre les impressions du dehors, ne tardent pas à être dominés par elles.

LA VALLÉE AUX LOUPS, Souvenirs et fantaisies, in-8, 1833. — L’auteur de ces fantaisies est un des hommes les plus délicieusement paresseux de notre époque, mais de cette paresse friande et réfléchie qui aime à se sentir, qui a d’abord soin de faire artistement son lit, qui sait choisir et se balayer une belle place au soleil. Or, ce n’est point au milieu des bruits et de la boue de Paris, point au milieu de l’ardeur des partis, point au milieu des vaudevilles nouveaux et des débats parlementaires, que l’on peut ainsi laisser sommeiller sa vie ; force donc a été à notre épicurien d’oisiveté, afin de savourer les doux loisirs que lui permettait une belle renommée littéraire, bien largement posée et bien loyalement acquise, d’aller demander aux bois du repos et du silence. Là cependant il fut saisi un jour de la pensée d’écrire encore ; ce ne fut pas toutefois sans une lutte généreuse, sans de terribles efforts pour retenir sa serpe et sa bêche que le campagnard se décida à reprendre la plume. « Tu veux que j’écrive, » a-t-il dit à l’esprit qui l’obsédait, « soit ; mais je daterai mon œuvre de ma solitude, et elle portera son nom. À toutes les lignes je parlerai du bonheur de la vie des champs, de feuilles vertes et de soleil, d’horizons bleuâtres et de voix lointaines soupirant à travers les bois nombreux. En me lisant, Paris se paraîtra à lui-même plus bruyant et plus étouffé ; sa boue lui semblera plus noire, et ses ruisseaux plus infects. » Le cruel homme, il n’a que trop tenu parole ; en l’écoutant, il vous prend une soif de la campagne et un dégoût de la ville insurmontables ; il semble que l’on ait le mal du pays de tous les villages et de tous les clochers que l’on a visités et dont on garde le souvenir. — Nous n’avons pas de longs commentaires à faire sur une œuvre qui n’existe pas nue, qui n’est liée dans ses parties bien distinctes par aucune idée générale ; et d’autre part, on ne peut un à un analyser les délicieux fragments qui la composent ; mais lisez-les tous, car ce sont autant de petits chefs-d’œuvre qui, publiés séparément, eussent, pendant deux années, fait la fortune d’une revue. Lisez l’Étude du paysage, véritable tableau de Claude Lorrain ; lisez le frère quêteur, histoire étrange, si heureusement inventée, contée avec tant de grâce et de relief. Dans un autre ordre d’idée, lisez un excellent article sur André Chénier. Mais surtout lisez le Cœur du poëte, un roman tout entier, un drame plein d’intérêt et de terreur, une effrayante histoire de courtisane, une vie douloureuse d’homme de talent, le récit d’un abominable sacrilége.

AYMAR, 2 vol. in-8, 1838. — Quand nous promenons autour de nous nos regards découragés, nous éprouvons pour M. de La-