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temps l’habitude d’écrire sur les marges de ce livre divin tous les événements heureux ou malheureux de sa petite famille, vivaient unis ; les jours coulaient paisiblement dans cette maison de patriarches. Mais l’oncle Jacob avait une fille qui se laissa séduire ; il la traita avec rigueur, la chassa impitoyablement ; dès lors plus de bonheur pour tous ces braves gens. Quel était son séducteur ? un homme singulier, qui avait la plus détestable réputation, qui passait pour avoir voulu corrompre sa belle-mère et assassiner son père, et qu’enfin on désignait dans le pays sous le nom du Vaurien ; ce fut précisément cet homme qui obtint les faveurs de l’innocente Suzette et qui la rendit mère. Mais pour l’honneur de cette jeune fille, hâtons-nous d’ajouter que jamais homme ne mérita moins sa mauvaise réputation ; tout le bien qu’il avait voulu faire dans sa vie lui avait été imputé à crime, et c’est ce qui s’explique parfaitement dans le roman, auquel nous renvoyons le lecteur, s’il veut savoit ce que deviennent Suzette, le vaurien et les deux frères, en le prévenant que dès qu’il aura ouvert le livre, il ne pourra résister au désir d’en achever la lecture ; l’intérêt est si puissant, si bien gradué, qu’il se sentira entraîné irrésistiblement depuis le premier chapitre jusqu’au dernier.

ÉMILE, ou l’Homme singulier, trad. par Breton, 2 vol. in-12, 1801. — Le héros de ce roman est en effet un être fort singulier ; il a pour principe de fronder tous les usages reçus, de s’éloigner dans sa manière de vivre des coutumes adoptées, de braver, en un mot, tous les préjugés. L’auteur a eu l’art de mettre toujours la raison de son côté ; ce qui produit des contrastes remarquables, des situations piquantes et neuves. En s’identifiant avec Émile, le lecteur se dit qu’il n’agirait pas ainsi, et cependant il est forcé, le plus souvent, de ne pas blâmer ce qu’il n’eût pas voulu faire.

HERMANN ET ÉMILIE, traduit par Gérard de Rayneval, 4 vol. in-12, 1802. — Auguste Lafontaine a cherché à prouver par des faits dans ce roman combien l’homme de bien, modéré dans ses désirs et trouvant la subsistance dans son travail, parvient facilement à goûter la paix et le bonheur ; quand l’homme égoïste, ambitieux, avare et inhumain, est toujours, au sein de l’abondance, l’artisan de son propre malheur. Pour atteindre un but si louable, l’auteur nous montre Hermann éprouvé par des revers de plus d’un genre, mais constamment soutenu par sa confiance en Dieu et par l’espoir d’une meilleure vie, heureux enfin au sein de la médiocrité, et entouré d’êtres chers à son cœur ; et l’oppose à son père, infatué des préjugés de grandeur et d’opulence, sacrifiant tout à cette chimère, et consumant sa vie en de vaines et misérables intrigues ; il l’oppose encore à son frère Charles, ingrat,