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KOCK (Charles Paul de),
né à Passy, d’une famille hollandaise, en 1799.


Depuis longtemps M. Paul de Kock s’est placé par ses succès en dehors de la critique. Le succès a toujours raison, quand c’est la foule qui le fait ; les masses se trompent rarement : elles ne se trompent du moins jamais vingt fois de suite ; aussi la renommé de M. Paul de Kock a-t-elle acquise force de loi. M. Paul de Kock possède le secret d’intéresser et de divertir ; tout le monde le lit, tout le monde rit en le lisant ; que faut-il de plus ? Faites de sages romans si vous voulez, et de noirs romans ; mais laissez-nous rire une fois par hasard, et permettez à M. Paul de Kock de nous amuser sans façon, et le moins littérairement possible. Élève de l’école créée par Pigault-Lebrun, M. Paul de Kock exagère un peu les défauts de son maître, dont il n’a pas toutes les qualités. Il arrache quelquefois le voile qu’il ne devrait que soulever ; ses peintures sont plus lascives que voluptueuses, mais son dialogue est vif, ses observations ne manquent pas de finesse, ses descriptions sont rapides, ses chapitres amusants ; il plaît aux hommes par la gaieté de ses expressions ; il est lu en cachette par toutes les femmes, dont il reproduit bien les caractères. — Pour savoir de quelle façon cet auteur apprécie son talent et sa position littéraire, il faut lire le portrait suivant qu’il trace d’un romancier dans son roman de Moustache. « Il s’était dit : Je peindrai les hommes tels qu’ils sont ; mais je choisirai de préférence des caractères comiques et francs… Il voulait pouvoir retracer avec leurs moindres détails les tableaux de mœurs, les scènes populaires, les portraits d’originaux, les sociétés bourgeoises, les ridicules de toutes les classes, les amours de la grisette et de la femme du monde, les contemporains enfin tels qu’on les rencontre à chaque pas dans la vie, et non avec ces passions forcées, ces beautés idéales que l’on ne trouve que dans l’imagination. — Ses romans eurent un succès que lui-même était loin d’espérer. Leur plus grand mérite était d’être vrais ; mais dans tous les arts c’est toujours au vrai qu’il faut revenir. — Aussi fut-il impitoyablement critiqué dans les journaux, dans les revues ; alors il reçut des lettres anonymes et pseudonymes, où on lui demandait de quel droit il se permettait d’avoir du succès et d’être lu plus que les autres, lui, écrivain obscur, sans style, sans couleur, sans portée, sans mission, sans nerf, sans élévation et surtout sans coterie. — Alors on lui apprit qu’il n’était que le romancier des cuisinières et des écaillières, ce qui lui fit penser que le nombre de ces dames était devenu assez considérable. — Comme il faisait parler un ouvrier comme parle un ouvrier, une grisette comme parle une grisette, on lui dit qu’il ne