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l’action du pouvoir, là aussi se trouve, sous un gouvernement despotique, la plus grande somme des maux de l’humanité. La proposition contraire est également vraie ; en sorte qu’on peut dire, en forme d’adage politique, que le bonheur des gouvernés est en raison inverse de l’influence du sacerdoce dans les gouvernements. »

FRAY EUGÉNIO ou l’Auto-da-fé de 1680, 4 vol. in-12, 1826. — Fray Eugénio est moins un roman que l’histoire véridique de l’auto-da-fé de 1680. La scène se passe en Espagne, et commence au moment où, dans toute l’innocence de son âge, et avec tant de regrets, arrive à Madrid la nièce de Louis XIV. L’auto-da-fé de 1680, qui présente cent vingt victimes, qui dura dix heures, et auquel elle fut obligée d’assister, fut la plus belle des fêtes données à l’occasion de son mariage avec Charles II. Dans le roman, où il s’agit pour l’héroïne d’être brûlée vive ou d’épouser son amant, d’être duchesse et l’amie toujours chérie de la jeune reine, l’auteur a trouvé le moyen de faire passer les événements à travers toutes les classes, et par conséquent de montrer les mœurs dominantes dans une foule de personnages qui ont tous un caractère particulier, quoique tous portent l’empreinte de préjugés nationaux. Un seul se distingue par un esprit supérieur, par les services qu’il rend à son pays ; il est abattu. Il se relève sous un autre nom, avec la même activité, la même force de conception ; mais comme rien n’est plus rare que de se faire deux fois une grande existence politique, le roman finit en laissant son avenir incertain. Parmi les autres personnages, on distingue aussi une vieille femme dégradée par la misère, dont l’esprit est égaré, qui se croit franchement sorcière, et dont toutes les actions inspirent un intérêt qui va quelquefois jusqu’à l’émotion.

Ce roman ne contient aucune scène marquante, même parmi les plus effroyables, dont l’authenticité ne soit depuis longtemps hors de doute et de discussion. Tous les faits ont été puisés aux sources les plus respectables, notamment dans la correspondance des ambassadeurs, et dans l’ouvrage de José del Olmo, familier du saint-office, intendant des bâtiments du roi, architecte choisi pour ordonner toutes les pompes de l’auto-da-fé de 1680, et historien de cette cérémonie. L’auteur du roman n’a donc rien inventé, et ce qui révolte avec raison les mœurs du dix-neuvième siècle, est positivement ce que le dix-septième présentait à l’admiration de la postérité. Nous avons, en France, un idée fort incomplète de ce qu’on appelle un auto-da-fé et de l’effet qu’il peut produire sur les peuples. Il est impossible de se figurer une cérémonie plus magnifique : la cour en représentation ; le trône du grand inquisiteur élevé de quarante pieds au-dessus de la place