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nom plusieurs assassinats, et qui accepte la flétrissure publique du titre de bravo, pour obtenir la liberté de son père, honnête vieillard qui languit dans les cachots de l’État, l’hiver, au fond d’une fosse humide et sombre, l’été, sous les plombs brûlants de la toiture des prisons. Jacopo Frontoni, c’est le nom du faux Bravo, traîne depuis quatre ans une vie déshonorée ; haï de ses concitoyens, que sa pâle et mélancolique figure épouvante comme une apparition, il ne se montre guère que la nuit, à la clarté de la lune, caché dans l’ombre de quelque colonne, comme un meurtrier qui attend sa victime. Cependant Jacopo Frontini a toutes les vertus, il est bon fils, amant délicat, dévoué au bonheur d’autrui, et il meurt de la main du bourreau, frappé par un jugement inique, au moment où le gouverneur de Saint-Marc a craint que l’explosion de ses vertus et le besoin de se réhabiliter dans l’estime des hommes ne lui fassent rompre son exécrable engagement. — Le Bravo est une histoire singulièrement attachante ; mais il nous semble que les grandes qualités du romancier éclatent bien davantage dans la peinture de ces grandes scènes de la nature vierge, belle des beautés présentes et éternelles ; qu’il est plus original au milieu des vastes forêts de sa patrie et des grandes mers qui la baignent, dans la hutte du sauvage et sur la barque du pêcheur, décrivant de magnifiques spectacles et de naïves façons de vivre, que fouillant dans les archives du conseil des dix, pour y trouver quelques-unes de ces atrocités bien ourdies qui ont pu sauver à certaines époques une douzaine de petits tyrans d’une conspiration, mais qui ont si bien énervé Venise à la fin, que des Allemands qu’on mène avec la schlague ont suffi pour la subjuguer.

L’HEIDENMAUER, ou le Camp des païens, légende des bords du Rhin, 4 vol. in-12, 1832. — L’Heidenmauer est ce qui reste d’un camp des Romains, élevé pendant les guerres de la Germanie. Au milieu de ces lignes de circonvallation à demi éboulées, s’élève un couvent de bénédictins dont les moines prélèvent des dîmes de tous côtés, et menacent celles du seigneur de Hartenbourg et de la ville de Duerkheim. Le seigneur du château et les habitants de la ville se coalisent ; le couvent, l’église et le pouvoir des bénédictins sont détruits ; mais après une incertaine tentative pour embrasser l’hérésie de Luther, le seigneur d’Hartenbourg, le bourgmestre et les bourgeois de Duerkheim retombent dans leur superstition et sont condamnés à des amendes et à un pèlerinage à l’abbaye d’Ensiedlen : le préjugé catholique est le plus fort. — La lecture de ce roman est passablement ennuyeuse, beaucoup plus que celle d’une vieille chronique, car le style est loin d’avoir la simplicité naïve qui distingue quelques-uns de ces anciens écrits. Les caractères d’Henrich et de Bertchold sont assez