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relit avec le plus de plaisir ; aussi originale que les autres productions du même écrivain, elle a de plus le mérite d’expliquer par des procédés naturels tout le mystérieux et l’extraordinaire des situations qu’il y a rassemblées ; la curiosité y est constamment irritée, l’intérêt y domine sans cesse, sans que l’un et l’autre soient achetés au prix du bon sens et de la vraisemblance. Le dénoûment donne à Richard un pair d’Angleterre pour oncle, une lady pour mère, une fortune immense pour héritage, et son amante Dorothée pour femme. La métamorphose se fait en un moment ; la surprise est complète, et pourtant rien n’est forcé ; le récit de la mère de Richard met le lecteur au fait, en montrant les ressorts bien simples qui ont fait tout mouvoir ; ce récit a encore un autre mérite, celui de nous attacher singulièrement à la destinée d’une famille où l’on trouve des caractères très-originaux, mais des vertus peu communes. C’est là que Cazotte a déployé toute sa bonté d’âme sans cacher ce qu’il avait de raison. Tour à tour on est attendri, étonné, ravi ; et l’effet le plus honorable de cette production, c’est de laisser le lecteur avec un sentiment d’estime pour l’auteur qui a mis en scène de si bonnes gens, en inventant des incidents si agréablement combinés.

OLLIVIER, roman poétique en XII chants, 2 vol. in-18, 1762. — Le fond de ce conte n’est pas neuf, la morale y est un peu blessée ; mais l’auteur a su rajeunir avec tant d’art une vieille histoire des Mille et une Nuits, qu’il se l’est appropriée ; et l’intérêt dont il couvre sa fable rend le lecteur si indulgent pour ses héros, qu’au lieu de condamner leurs petites erreurs, il prend, sans y penser, le parti de les trouver charmantes. Il est bien vrai qu’elles le sont. Le jeune page, le plus doux, le plus honnête, le plus spirituel, le plus tendre des pages ; cette jeune princesse, la plus belle, la plus naïve, la plus sincère des princesses, sont deux amants comme on n’en voit point, ou du moins comme on n’en voit plus. La faute qu’ils commettent par étourderie, les persécutions qui en résultent pour eux, la fuite précipitée d’Ollivier, emportant avec lui le fruit d’un moment de faiblesse qu’il veut cacher à tout le monde et qu’il est forcé d’abandonner sur les grands chemins ; l’emprisonnement d’Agnès, livrée à la fureur de sa belle-mère, la comtesse de Tours, femme violente et vindicative, dont elle a refusé d’épouser le fils, parce qu’il est laid et méchant, pour écouter Ollivier, qui a une jolie figure et un très-bon cœur ; les événements multipliés qui font courir le monde aux principaux personnages de cette action moitié héroïque, moitié comique ; les épisodes ingénieux que l’auteur a semés dans l’ouvrage et qui réveillent à chaque instant l’attention ; les prouesses du page devenu chevalier ; les services éminents qu’il rend au père de sa maîtresse ; la colère