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le chevalier publiquement reconnu de miss Lucie Brandon. Cette passion réveille en lui ce que la nature avait mis de grand et de généreux au fond de son cœur. Il veut quitter son infâme métier : c’est alors que les liens de la société l’entravent et l’embarrassent de toutes parts, et le repoussent malgré lui dans son infamie. Bref, il est blessé, arrêté, renfermé, la veille du jour qu’il avait fixé pour quitter l’Angleterre et aller chercher ailleurs une autre vie, un nouveau baptême d’honnête homme. Nous sommes forcés de supprimer, dans cette analyse, tout ce qui fait le charme du roman. Il se trouve que Paul est le fils de l’homme qui le condamne à mort pour son dernier crime, et qui, par son injuste accusation, l’a fait jeter tout jeune dans une maison de correction. Ce juge était le premier auteur de sa perte. Tous ces détails ne lui sont connus qu’au moment où, placé sur son siége aux assises, Brandon va prononcer la sentence de mort contre son fils. Cette situation et tout le caractère de Brandon sont peints admirablement. — Il est impossible de rendre avec plus de finesse et de vérité que ne l’a fait l’auteur, les mœurs de l’aristocratie anglaise, et de mêler plus habilement les traits d’observation les plus délicats aux scènes de passion les plus pathétiques ; mais il ne se borne pas seulement à reproduire les vices et les plaisirs des classes priviligiées ; il réunit les deux extrêmes et présente une peinture des folies, des crimes, des misères des classes pauvres. C’est ce modèle que Bulwer s’est attaché à faire ressortir, et il faut convenir que son pays lui offrait le modèle le plus parfait de cette monstrueuse inégalité des destinées humaines.

EUGÈNE ARAM, sujet tiré des causes célèbres d’Angleterre, 2 vol. in-8, 1832. — Seul, inaccessible, farouche ; vivant de recherches, de sciences, de travaux métaphysiques ; réfugié avec ses livres au fond d’une vallée déserte ; toujours inquiet, triste, quoique l’étude lui fournisse des distractions, Eugène Aram est une existence à part, une individualité, un problème. Que nourrit-il dans sa pensée ? Des souvenirs de bonheur ou de crime ? des regrets ou des remords ? Houseman seul le sait, lui… Houseman, voleur par goût, qui se complaît dans le vagabondage : tous deux furent autrefois complices d’un meurtre. Pauvre, ignoré, repoussé de tous, se sentant né pour la gloire, mais voyant la faim se dresser devant lui avec toutes ses horreurs, ses angoisses ; tremblant pour les trésors d’érudition qu’il a amassés à grande peine, qu’il voulait transmettre au monde, qui seront perdus à jamais à cause de sa misère, Aram tue un riche, un débauché, inutile à ses semblables ; avec la fortune de cet homme il fera des heureux et des prosélytes à la science. Malheur ! trois jours après il fait un héritage inespéré. Trois jours ! et s’il avait attendu… Se