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Pendant deux ans il dit : « Mon idéal est Térésa K… »

Cela parvint à ses oreilles.

« Pourquoi ne s’est-il pas présenté ? A-t-il peur de moi ? »

La troisième année, sur le lac bleu gris, sous la brûlante toile blanche du Yacht, il lui fut présenté.

« P. A…, Teresa K !… »

Ils se parlèrent.

Elle dit : « Je n’aime pas le lac, j’aime le Lawn-Tennis… je peux y jouer des heures entières, des jours mêmes. »

Il répondit : « Je n’aime pas le Lawn-Tennis, j’aime le lac… je peux le regarder des heures entières, des jours mêmes… »

« Nous irons bien ensemble », dit-elle en souriant, nous nous compléterons… ! »

Le soir, il s’assit avec elle dans sa chambre.

Dehors, il pleuvait et le lac mugissait sur ses bords…

Il parla des désillusions de la vie, de l’été et de l’automne, de l’âme des enfants et de l’âme des poètes… Il parla de l’art japonais, des forêts de hêtres en octobre et de la « musique pensante de Parsifal. »

Elle pensait : « Nous nous complétons… Je ne pense rien et tu penses tout… »

Dehors il pleuvait et le lac mugissait sur ses bords…

Elle s’assit à sa petite table et mit sa tête dans ses mains.

Qu’était-elle, quoi… ?

Elle jouait volontiers au Lawn-Tennis, et dansait volontiers le sir Roger. C’était un désir ardent d’activité physique, qui fait circuler le sang et qui rend rose et qui agite les nerfs fatigués dans une sorte d’ivresse tourbillonnante.

De temps en temps elle rêvait : « Oh ! une robe de soie noire, décolletée en rond, avec les épaules nues et une large, très large ceinture de plusieurs rangs de perles de verre transparent bleu-de-lait… ! Ou une de soie héliotrope avec une ceinture de perles de cire, ou une bleu pâle avec des perles de bronze, ou plutôt une robe blanc de neige avec des perles grenat ! »

C’étaient les « fantaisies rêvées »…

Souvent elle pensait : « Suis-je belle ou jolie, belle ou jolie… ? Ces hommes mentent ! Ils pourraient le dire en sorte que le doute mourrait. Ils devraient le dire en se taisant. Mais ils murmurent avec une voix mielleuse, vibrante et affectée : « Ah, Mademoiselle… »

Une fois, elle alla se promener avec ce jeune homme. C’était une soirée fraîche et brumeuse.

« Oh, monsieur prendra froid », dit-elle, et elle lui entoura le cou de son fichu de soie blanche.

« Vous êtes si bonne, si prévenante », dit le jeune homme qui sentait la main aimée effleurer son cou,

« C’est le moins que nous puissions faire pour celui qui nous