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y avait quelque prétention, comme propriétaire du tout ou d’une partie, il devait s’adresser aux tribunaux.

« Muni de tous ces documents, je commençai en 1912 mon exploitation. Je vis alors les voisins pénétrer chez moi avec des milliers de moutons et de gros bétail, y labourer et y semer. Mes gardes impuissants étaient souvent battus et blessés. Dans le cœur même de la propriété, mes charrues à vapeur étaient attaquées par les villageois dont les femmes venaient se coucher en travers des roues des locomobiles. Mes réclamations à Konia contre toutes ces violences, les procès au criminel que j’intentais contre les agresseurs connus, n’avaient jamais aucune suite, et, depuis deux ans, je n’ai vu ni un gendarme venir instrumenter, ni un procès avoir une fin.

« Mes machines cependant, après plusieurs déménagements, avaient réussi à labourer cent hectares. Les voisins sont venus y semer leur blé. Sept mois après, devant mes yeux, ils enlevaient la récolte. Je ne pus obtenir aucun semblant d’aide des autorités.

« Je m’adressai alors à l’ambassade de France, qui accepta de s’occuper de cette question, non en tant qu’affaire immobilière, ce n’était pas son droit, mais en tant qu’entrave à la liberté du travail contre un citoyen français effectivement propriétaire. Les ministères compétents reconnurent mes droits, mais se déclarèrent, à tort ou à raison, incapables de réagir. Durant les négociations du dernier emprunt cependant, il y eut un semblant de bonne volonté à mon égard, et des ordres furent expédiés à Konia de régler cette affaire administrativement. Le Vali Mehmed Husny bey ne fit absolument rien, et par son attitude passive, il encourageait et excitait les villageois. Toutefois, Talaat bey proposa à l’ambassade que je citasse tous les empiéteurs devant le juge de paix. Je m’y refusai, ne voulant pas entrer dans le maquis de la procédure ; vu mes documents, cette affaire devait se régler administrativement, et au surplus ce n’était pas à moi à instrumenter. Enfin, sur les instances du ministre et son assurance qu’avec des jugements en ma faveur la gendarmerie agirait, j’acceptai d’attaquer mes adversaires dont aucun ne put présenter le moindre titre de propriété et je gagnai tous les procès.

« Muni de ces sentences qui renforcent mes titres et documents, je réclame depuis six mois aux autorités de Konia de