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y font défaut, qui sont le seul moyen d’énergie employé hors des grands centres. Les villageois avaient plusieurs jours de voyage et ensuite d’attente aux moulins à eau les plus primitifs. Je construisis dans un village central un moulin moderne à gaz pauvre (nous faisons le gaz en distillant le charbon de bois de la montagne), et l’entreprise fut très rémunératrice. Elle n’est plus pour moi aujourd’hui qu’un assez bon placement, car les gens aisés des environs ont fait construire par des spécialistes étrangers, dans un rayon de cent kilomètres, six autres moulins copiés sur le mien, si bien que la même clientèle est partagée, mais ainsi ma venue n’a pas été inutile.

« Entre temps, j’appris qu’une famille turque possédait une grande propriété, d’un seul tenant, inexploitée faute de capitaux et d’expérience. Cette terre était grevée vis-à-vis du trésor d’une hypothèque légale de deux cent mille francs. Elle fut mise aux enchères publiques et, quoique d’une fertilité réputée, aucun acheteur ne se présenta parce que le morceau (achat et exploitation) était trop gros. Les propriétaires obtinrent alors de Djavid bey, ministre des finances, la facilité de payer leur dette en dix annuités par échéances égales et sans intérêt. La première tranche étant demeurée naturellement impayée, je me présentai comme acheteur et demandai au ministre la facilité de paiement accordée aux propriétaires ou réduite à cinq ans. Elle me fut refusée. J’offris de payer comptant. Quelques xénophobes de Konia ayant émis la prétention qu’un étranger ne pouvait acheter un pareil domaine, les ministères compétents et le Conseil d’État ottoman répondirent qu’aucune loi ne l’interdisait. Les autorités de Konia, responsables du déficit vis-à-vis du Trésor, me délivrèrent cent quinze titres de propriété, fort bien délimités par des bornes ou par des frontières naturelles, moyennant paiement à elles d’un peu plus de deux cent mille francs et de trois cent mille aux propriétaires. Je soldai également environ quarante mille francs de frais d’expertise, de bornage, de carte, d’avocats conseils de Konia, de Smyrne, de Constantinople. Enfin je signai une déclaration comme quoi je ne fonderais là ni école, ni hôpital, ni colonie, ni église. En revanche, j’obtins, en plus de mes titres, un papier officiel où il était dit que je devenais bien effectivement propriétaire de cette terre, libre de toute charge, et que si quelqu’un