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gare de Konia, quand nous venons saluer les autorités françaises qui passent, les Allemands ne comprennent pas.

J’ai réuni au Père Gaudens, dans ce dîner d’adieu, les deux Français de Konia, M. Ernest Noblet, le directeur de la Banque ottomane, et M. Raymond Belfoy, un de nos compatriotes, qui possède une grande propriété non loin de Konia, à Seraï-Ini.

Ces messieurs me confirment l’immense service que nos missions rendent à la cause occidentale, à la civilisation, dans tout l’Orient. Ils ne voient pas l’avenir avec sécurité dans la Turquie des Jeunes Turcs.

Les valis sont xénophobes. C’étaient autrefois des gens repus, aujourd’hui ce sont des gens affamés. Incapacité absolue des fonctionnaires, tous personnages qui savent réduire l’étranger, très corrects, très gentils, parlant les langues, hommes du monde, mais incapables de rien réformer. Aucune loi nouvelle utile n’a été mise en application. La nouvelle loi qui organise les vilayets a été votée, communiquée aux provinces, jamais mise en exécution.

Depuis quelque temps, sous prétexte d’aider l’élément musulman qui se prétend en infériorité vis-à-vis des chrétiens, parce que ceux-ci ont des installations et des capitaux, on organise le boycottage des chrétiens ottomans. Dans chaque mosquée, le prédicateur, deux, trois fois par jour, dit : « N’achetez rien, ne faites aucune affaire avec les chrétiens, ni avec les étrangers. » Le Gouvernement turc qui semble réprouver ce boycottage l’encourage et l’organise. Cela tend à la persécution et peut aller jusqu’aux massacres.

Les Jeunes Turcs ont voulu se défaire d’un despotisme qui inquiétait, faisait trembler tous ceux dont les têtes dépassent un peu le niveau de la foule anonyme. Ils ont atteint le principe d’autorité sans se défaire de l’arbitraire. Les voilà à demi sortis de la légitimité sans être entrés dans la légalité. Ils ne comprennent pas l’idée de la Loi. Ils prétendent vouloir prendre la France pour modèle, mais non, ils veulent notre argent, et ne nous font aucune facilité. La xénophobie se développe avec une rapidité inquiétante.

Là-dessus, M. R. Belfoy nous donne son cas en exemple :


« Je suis venu ici, il y a cinq ans, faire un voyage d’études. J’ai vu d’immenses territoires sans moulins, car les cours d’eau