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dont je suis, ont accès dans des sortes de loges, aménagées dans deux des arceaux qui, au nombre de quatre, supportent la coupole. Le troisième arceau ouvre sur cette salle que je viens de dire, toute remplie du commun des spectateurs ; le quatrième sur la galerie pleine d’ombre où luisent les tombeaux, et parmi eux, tout or et argent, le catafalque du grand poète.

Les spectateurs se tiennent fort mal ; ils ne cessent de se remuer et de marquer leur impatience. Ils se pressent autant qu’ils peuvent, pour distinguer ce qui se prépare dans le salon des tombeaux. C’est de là que vont venir nos derviches et mon éminent ami. Et de là soudain s’élèvent des préludes nasillards : la récitation d’un texte du Coran.

Les derviches en chapeaux de feutre, en manteaux noirs, hermétiquement fermés, sous lesquels passent deux doigts de leurs robes blanches, débouchent, un à un, des tombeaux dans notre salon de danse. Ils viennent s’agenouiller, s’asseoir en tailleurs, devant nous, sur le parquet : autant de poupées essuie-plumes.

Et soudain, toujours du milieu des tombeaux, une voix s’élève, pendant que le public se tasse, rit, est indécent. C’est un derviche qui commence à réciter, à chanter sans musique, debout sur une estrade. Et les quatre versets qu’il déclame, empruntés à Djelal-eddin, le Tchélébi hier me les a traduits.

Premier verset : « Je monte, je vais vers le ciel. Est-ce qu’il y a de droite ou de gauche des personnes qui veuillent me suivre ? Avant, nous étions au ciel, nous étions les amis des anges. De nouveau nous y retournons, parce que c’est là notre pays. La bonne chance nous favorise, de sacrifier notre vie et notre profession. Et le chef de notre caravane, Mahomet, la gloire de tout le monde, est respecté de tout le monde. Le bon parfum qu’apporte le zéphyr de l’aube, provient du mouvement de la chevelure de Mahomet.

Deuxième verset : — La force de mon imagination, je l’ai puisée du visage de Mahomet, qui est aussi brillant que les premiers feux de l’aube. Le soleil de Dieu (c’est Chems-eddin) est né du côté de Tebriz, à qui j’ai dit : Ta lumière touche tout le monde et est séparée de tout le monde.

Troisième verset : — Ne demande pas « où allez-vous ! » à ceux qui sont extasiés de ta figure, puis que tu les a grisés de ta