Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 17.djvu/732

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chez les Grecs la danse religieuse existait ; seulement chez les derviches, elle est l’emblème, le signe distinctif.

— Ainsi vous avez recueilli un moyen d’enthousiasme qu’il y avait dans les temples de la Grèce et dans les mystères helléniques. Votre concert spirituel s’élève dans l’Islam, comme ces figures de déesses que nous maintenons à deux pas de nos cathédrales, et qui, loin d’être un scandale, font plaisir même à notre grand chef, le Pape, dans ses musées du Vatican.

— Chez les Musulmans, la musique est défendue, s’il s’agit de l’entendre pour s’amuser ; mais elle est bonne, si elle doit inspirer des sentiments religieux. Djelal-eddin racontait qu’un jour Ali, ayant reçu de Mahomet la confidence des mystères du ciel, ne pouvait plus respirer ; étouffé par un si grand poids et redoutant de le partager avec personne, il se condamnait à la solitude ; alors il courut au milieu de la campagne se pencher sur un marais, où il commença d’énumérer et en quelque sorte de jeter un à un tous ses secrets. Quelques jours après, un roseau poussa dans ce marécage, dont un berger par hasard fit une flûte. Et tous les Arabes qui entendaient sa musique, voire les chameaux, faisaient cercle autour de lui, et ceux-ci s’arrêtaient de paître. Mahomet aussi voulut l’entendre. Quand le berger commença de préluder et que tous les compagnons pris de ferveur pleuraient et s’évanouissaient : « Arrêtez, cria le Prophète, ces mélodies sont le commentaire des secrets que j’ai communiqués à Ali… » Voilà le concert permis. Mais un concert défendu, c’est celui qui n’intéresse pas l’âme. Il faut que soit toujours exact le grand vers de Djelal-eddin : « La voix du violon, c’est le bruit que fait en s’ouvrant la porte du paradis. »

— Ah ! que je suis content ! Demain, quand on chantera et dansera les poèmes de Djelal-eddin, j’entendrai les confidences que le ciel a faites au poète il y a sept siècles ! Ce qui a été déposé de divinité dans le Mesnévi et le Divan me sera rendu sensible par le rythme que ces poèmes communiquent à l’âme et au corps des derviches !

— Voici exactement : au début, vous entendrez le Coran ; puis la première fois que les derviches chanteront, ils chanteront des vers de Djelal-eddin pour l’amour de Chems-eddin, des vers du Divan. C’est une personne qui les lit. Et après commenceront les deux flûtes. Et après commencera le tourner, avec le