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— Ces règlements sont-ils imprimés ?

— Oui, en Égypte et à Constantinople, il y a une vingtaine d’années, on a tiré du Minhaz notre canon et notre règlement. Il y a des personnes qui lisent textuellement ce qui est dans les livres, et il y a des élèves à qui le maître donne des commentaires.

— Faites-vous des récitations des plus beaux poèmes de Djelal-eddin ?

— Entre eux, les derviches le lisent toujours. Il faut le lire une fois par semaine. Après le Coran, il n’y a pas de livre plus étudié que le Mesnévi.

— Djelal-eddin a-t-il laissé de la musique ?

— C’est par tradition que les airs sont restés. Pourtant il y a un air de flûte. Vient-il exactement de Djelal-eddin ? Djelal n’a pas laissé de morceaux notés, mais les airs sont restés. Et depuis quelques années on les a notés.

— Peut-on se les procurer ?

— Quand vous serez à Constantinople, chez Ali-Bey, mari de l’Egyptienne Zehrahanoum, à Orta Keui.

Il me donne l’adresse.

Je m’excuse et, quoique frémissant de mille questions que je voudrais poser au Tchélébi, je pense qu’il faut que je parte. De lui-même, il tient à me dire :

— En plus de son Mesnévi, Djelal-eddin est resté en personne dans les traditions de la nation ottomane. Il y avait ici le royaume des Seldjoucides, et.au Sud, les Osmanlis. Une fois, le roi des Seldjoucides commit une faute : il renia comme cheikh Djelal-eddin et fit venir un cheikh du Caire. Peu après, les Tatars, les Mongols sont venus ici, et dans cette grande crise le Sultan fut appelé à un conseil de guerre par ses généraux. Ils l’ont jeté dans un cachot et étranglé, tandis qu’il criait : « Notre maître, notre maître ! » Il invoquait ainsi Djelal-eddin. Mais celui-ci, dans ce moment-là, était à Konia, au concert spirituel, et il récitait un poème : « Je te l’avais bien annoncé qu’ils ont le bras très long et qu’ils te lieraient les pieds. » (M. le Supérieur s’anime et laisse tomber son chapelet de grains noirs.) Djelal-eddin avait donné l’épée et la couronne au chef des Osmanlis. De là vient qu’aujourd’hui encore les padischah reçoivent le sabre des mains du Tchélébi, au début de leur règne, dans la mosquée d’Eyoub… Il faut aussi que vous sachiez