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un capitaine qui voit une mer et qui comprend que ce n’est qu’un verre d’eau. Bayézid Bastamî s’est émerveillé de ce qu’il avait obtenu de sagesse, mais Mahomet savait que cette sagesse humaine, c’est encore peu auprès de l’océan divin, et il rapportait tout honneur à Dieu. » Après cette réponse, Chems-eddin a vu que Djelal-eddin était un grand esprit, et il le choisit pour maître et ami.

— Bravo ! je vous remercie, je suis enchanté ; continuez à me parler de ces deux sages. Qu’est-il arrivé d’eux, après cette conversation ?

— Chems-eddin est allé immédiatement, avec Djelal-eddin, à la Médressé. Là, Djelal-eddin avait des livres. Chems-eddin les a tous jetés dans un bassin rempli d’eau. « Les livres ne valent rien, a convenu Djelal-eddin. Pourtant il en est un que je voudrais garder. » Alors Chems-eddin, sans autre indication, a retiré du bassin le livre auquel songeait Djelal-eddin. Et sur ce livre, il y avait de la poussière, pas une goutte d’eau.

— Le miracle m’intéresse, mais qu’y avait-il dans le livre ? Voilà ce que je voudrais savoir.

— Lorsque Djelal-eddin encore enfant a quitté Balk, avec son père, tous deux ils ont rencontré Férid-eddin Attar. Ce grand poète a donné au petit garçon le recueil de ses poèmes. C’est pour cela que Djelal-eddin y tenait. Il le lisait et il honorait Férîd-eddin Attar. Et c’est ce livre-là qu’il a voulu sauver.

— Je le comprends. Car nous possédons en français le Mantiq-Uttaïr, et ce voyage des oiseaux, menés par la huppe à la conquête du plus haut mystère, je ne connais pas de plus beau poème qui se soit jamais élevé vers la voûte céleste. Oui, vraiment un poème qui traverse le ciel comme un vol d’oiseaux mystérieux… Racontez-moi encore d’autres histoires.

—- Calah-eddin, avant d’être un grand saint, était recherché comme un orfèvre très habile. Un jour que dans sa boutique il forgeait une pièce d’or, le grand cheikh Djelal-eddin vint à passer, et commença à tourner, sous l’influence du martellement, et aussi parce qu’il avait une inspiration. Il voyait que le temps d’être cheikh était venu pour Calah-eddin. Il dansa, et Calah-eddin ne cessait de battre le métal. Alors ses ouvriers lui dirent : « Vous détruisez vos feuilles d’or. Cessez de frapper. » Calah-eddin répondit : « Quand je perdrais toute