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Après ma réponse, la musique. Je n’ai jamais entendu jouer la Marseillaise avec une si farouche énergie. Ces Assomptionnistes savent ce qu’ils veulent et l’obtiennent. Ils me montrent un firman. C’est l’autorisation de bâtir une église. « Sept ans ! disent-ils, il nous a fallu sept ans pour l’obtenir ! » À côté des Assomptionnistes, les Oblates de l’Assomption tiennent une école de filles et un dispensaire.

— Quel âge avez-vous, petite fille ?

— Quatre ans.

— C’est une Turque, monsieur le député.

— Une Turque ! Parfait ! Je ne quitterai pas la Turquie sans avoir embrassé une Turque. Petite fille, me permettez-vous ? C’est Loti qui va être jaloux !


Je ne tenais pas en place. J’avais hâte de visiter le monastère des derviches Mevlévis, leur salle de danse, de chant, de poésie, d’enthousiasme sacré, et le tombeau de Djelal-eddin Roumi.

Un si grand poète, aimable, harmonieux, étincelant, exalté, un esprit d’où émanent des parfums, des lumières, des musiques, un peu d’extravagance, et qui, rien que de la manière dont sa strophe prend le départ et s’élève au ciel, a déjà transporté son lecteur… Son lecteur, mais non ! Le charmant Djelal-eddin Roumi chante et danse son œuvre. Il n’a que faire de mettre un livre dans nos mains pour nous entraîner dans le cercle magique. Si ma bonne fortune m’assiste, je verrai ses derviches exécuter sur sa musique les mouvements savants dont il a donné le modèle. Il se survit dans ses fils qui, depuis sept siècles, répètent ses plus beaux délires autour de son tombeau. Ah ! que je suis heureux !

Pour bien prendre mon plaisir, je cherche à rassembler en moi tous les désirs que j’ai eus de ce lieu sacré. Et ce matin, comme je me serais répété les premières strophes de Mireille, avant de pénétrer dans Maillane, — Cante uno chato de Prouvenço, — ou bien le Prologue dans le ciel, sur le seuil de Weimar, j’ai lu les premiers distiques du Mesnévi, « la Chanson du Roseau, » qui nous dit l’ardente aspiration de l’âme impatiente de retourner à Dieu.


« Écoutez la flûte de roseau se plaindre des douleurs de la séparation :

« Toujours, depuis qu’ils mont arrachée de mon lit de roseaux,