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Impérial, le fils du général Cavaignac, qui était un des lauréats proclamés, refusa de venir recevoir son prix des mains du Prince, et ce geste négatif, si je puis ainsi parler, eut dans le monde des écoles un grand succès. Pour tâcher de conquérir ce monde ou d’obtenir de lui des manifestations sympathiques, on avait recours à des tentatives maladroites. C’est ainsi qu’au Concours général on donna comme sujet de dissertation aux élèves un éloge du roi Jérôme qui venait de mourir. Plusieurs refusèrent de composer. L’un d’eux remit au professeur chargé de récolter les copies une pièce de vers latins injurieuse ; un autre composa une pièce de vers français qui commençait par ces deux vers :

Puisqu’ils n’ont pas compris que nos veilles muettes
Ont de chacun de nous fait un républicain...

Il ne la remit pas, mais elle circula parmi nous et nous la trouvions très belle. Pour moi, mon héroïsme juvénile ne fut soumis à aucune épreuve. Je fus envoyé au Concours premier ou second dans quatre facultés : discours latin, discours français, version latine, histoire. Je m’y rencontrai avec mon futur confrère Lavisse, qui était l’espoir de Charlemagne, comme j’étais la gloire de Louis-le-Grand. L’espoir fut justifié et l’a été surabondamment depuis ; la gloire fut éclipsée et l’est demeurée. Il eut plusieurs prix et je n’obtins qu’un second accessit en histoire. Ce fut ma première déception ; j’en ai connu d’autres.

A ma sortie du collège, une question se posait pour moi, comme pour tous les jeunes gens. Quelle carrière suivre ? Je ne me sentais pas la vocation militaire et, je le dirai tout bas, on ne faisait pas, dans le milieu où je vivais, le cas qu’il faut de l’armée, qui non plus n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. La diplomatie, le Conseil d’État, dont le choix ouvre l’entrée, n’auraient plu ni à mon père, toujours très ardent dans l’opposition, ni à moi. Restait le barreau, et comme j’ai le goût des questions de droit, comme le barreau est aussi une préparation à la vie publique, objet de mes rêves, je m’y fis inscrire, après trois années d’études de droit coupées par un séjour en Italie et un voyage en Orient.

Le barreau était alors le refuge des hommes politiques qui avaient joué un rôle plus ou moins actif sous les régimes précédents, République ou Monarchie de Juillet, mais que le