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tions que j’ai eu l’honneur d’avoir avec les princes de la maison d’Orléans.

La reine Marie-Amélie était une très noble figure : « Elle est, disait Talleyrand, la plus grande dame de l’Europe. » Née sur les marches du trône de Naples, elle avait l'instinct de la légitimité. Aussi ne fut-ce pas sans scrupules, je le crois, et cela apparaît dans sa Vie par M. Trognon, qu’elle occupa sur le trône, à côté du Roi son époux, la place qui, suivant l’ordre de la légitimité, revenait à une autre. Au lendemain même de la Révolution de Juillet, elle fit parvenir à la Duchesse de Berry les affaires personnelles que cette princesse avait laissées aux Tuileries. « Ils nous rendent nos nippes, mais ils gardent notre trône, » aurait fièrement répondu la Duchesse, et pour être méprisante, la réplique n’en était pas moins juste. Mais la reine Marie-Amélie honora ce trône usurpé à ses yeux par ses vertus et sa charité actives. Elle a été une des parures de la Monarchie de Juillet et elle est demeurée, après son installation en Angleterre, l’objet du respect universel. Les Français qui étaient attachés à la Maison d’Orléans ne manquaient pas d’aller, le dimanche, à la messe à Claremont. A l’issue de la messe, la reine Amélie traversait la grande antichambre sur laquelle s’ouvrait la très petite chapelle ; souvent elle s’arrêtait pour dire un mot à l’un ou à l’autre. Un jour, elle me parla en m’appelant « Othonin, » et, étymologiquement, elle avait raison, car mon prénom, assez bizarre, qui est un diminutif d’Othon, devrait ainsi s’écrire. C’est à sa sortie de la messe de Claremont que se bornent mes souvenirs d’elle. Ils sont, comme on voit, assez vagues.

J’ai connu davantage la Duchesse d’Orléans. Elle avait beaucoup moins de dignité d’apparence, mais beaucoup plus de charme que la reine Amélie. Dans un temps où tout le monde écrivait bien, même les pamphlétaires, l’auteur d’un libelle dirigé contre cette charmante Madame illustrée par Bossuet ne pouvait s’empêcher de dire : « Comme elle est tout aimable, elle semblait toujours demander le cœur, quelque chose indifférente qu’elle put dire du reste. » La Duchesse d’Orléans semblait toujours, elle aussi, demander le cœur et il était facile de le lui donner. J’ai conservé le souvenir très présent de sa bonne grâce pour moi dans mon enfance. M. le Comte de Paris le savait et je crois bien que cette fidélité du souvenir, qu’il connaissait chez