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leurs, remplir l’idéal du véritable chef d’industrie ? Le Service géographique, que ce soit avec le bon vouloir spontané, — et plus fréquent qu’on ne croit, — des fournisseurs, ou que ce soit à l’aide d’une pression raisonnée et tenace, le Service géographique, dis-je, ne dépassa point les prix d’achat d’avant-guerre. Et ces prix furent maintenus jusqu’à la fin des hostilités.

La fabrication des boussoles pour l’infanterie est la première dont le Service géographique eut à s’occuper. C’était en novembre 1914. Il fallait 14 000 boussoles tout de suite. Cette industrie n’existait pour ainsi dire pas en France : il appartint donc au Service géographique de la créer. Six mois plus tard, en mai 1915, il y avait 15 500 boussoles, tant distribuées qu’en cours de distribution ou de livraison. Enfin, les besoins s’étant accrus avec les effectifs, ce nombre était porté à 50 000 à la date du 15 juin 1916.

Afin d’éviter le retour de graves erreurs, il convient de dire ici les causes de l’effrayante pénurie d’instruments d’optique où l’on se trouva le jour de la déclaration de guerre. Comme pour l’artillerie lourde, on en parlait beaucoup, mais on n’y pensait jamais pratiquement. Nous n’ignorions cependant pas l’intérêt que, dans leurs préparatifs de guerre, nos ennemis attachaient à ces deux parties de l’armement. Les modèles qu’ils avaient adoptés étaient d’autant mieux connus, au moins en ce qui concerne les instruments d’optique, que les usiniers d’outre-Rhin en faisaient offrir la fourniture à notre ministre de la Guerre. Sans entrer dans le détail des erreurs, constatons que l’approvisionnement de l’armée en jumelles analogues à celles des Allemands fut, pendant une dizaine d’années, l’objet de mesures indécises et lentes, qui nous retinrent loin d’une production immédiate et intense, destinée à relever notre infériorité et assurer les ressources de l’avenir. Survint la guerre, et immédiatement se déclara, aiguë et inquiétante, la crise de l’optique. Car ce n’était pas dix mille, mais cent mille jumelles qu’il aurait fallu ce jour-là. Pas d’artillerie lourde ! Pas de jumelles ! Ce sont les deux premières clameurs qui retentirent du front. « Les Allemands nous voient et nous ne les voyons pas ! » s’écriaient les officiers revenus en permission, et les premiers blessés évacués à l’intérieur. Des pères, suppliés par leurs fils, couraient chez les opticiens qui furent promptement dévalisés. Alors, plus rien. A cette situation, le remède le fera attendre.