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LE REPÉRAGE PAR LE SON


Ne connaissant pas de limites à ses ressources d’activité, le Service géographique n’hésita pas à se charger d’une nouvelle et très importante organisation, celle du repérage par le son. Le problème du repérage par le son, se posa presque à l’instant où partit du côté de l’ennemi, en 1914, le premier coup d’un canon à longue portée. Répondre au canon par le canon, contre-battre les pièces qui répandent la dévastation et la mort dans les lignes, abris ou cantonnements, et qui entravent la circulation sur les routes, c’est un des rôles essentiels de l’artillerie. Les systèmes d’information ordinaires : la fumée de départ pendant le jour, la flamme de décharge dans la nuit, les recherches optiques terrestres ou aériennes sont de précieux guides de riposte. Mais le temps s’opposait souvent à ces genres d’investigation : le brouillard, la pluie, la neige paralysaient l’aviation et l’observation visuelle. On ne percevait que la détonation et encore très fréquemment après que le projectile avait éclaté et fait ses ravages. Tenant compte des installations et des versants inapercevables, on peut énoncer comme axiome qu’en matière d’artillerie on entend mieux qu’on ne voit.

Dès l’ouverture des hostilités, le général Nivelle, alors colonel d’artillerie, se préoccupa des possibilités de déceler les batteries en activité par l’audition du coup de canon. Théoriquement, le problème est assez simple. Il repose sur la vitesse du son. Celui-ci, parcourant trois cent quarante mètres par seconde, sera toujours perçu à des temps différents, par des écouteurs qu’on aurait postés séparément, par exemple, à Montmartre, à Grenelle et à Ville-d’Avray. Si dans ce cas, le premier a entendu la détonation à midi juste, il est certain que le deuxième, vu son éloignement, la recevra à midi trois secondes, et le troisième, à midi huit secondes. Prenant pour base ces écarts d’audition qui valent des mètres ou des kilomètres, et s’appuyant sur le tracé géométrique de deux hyperboles, tout mathématicien déterminera sans peine la position de la pièce qui a tiré. Solution théorique facile, mais qu’il s’agissait de transporter dans la pratique.

Cela présentait de sérieuses difficultés. Néanmoins, la réalisation désirée fut promptement obtenue, grâce à la très