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et ses bombardements des routes propices aux convois de munitions et de ravitaillement des Allemands. A son tour, l’infanterie réclama bientôt, et avec insistance, des cartes très lisibles lui permettant de connaître, en tous ses détails, le terrain qu’elle occupe et celui qui sera le théâtre de ses prochaines attaques. Dans le premier cas, il s’agit avant tout de déterminer le tracé le plus rationnel de la tranchée principale, ou plutôt de la tranchée-mère du dédale de boyaux et de tranchées communicants, qui seront creusés successivement. Pour diriger avec sûreté ce chantier de terrassement, il faut nécessairement un plan intelligible et complet. Dans le second cas, l’infanterie doit préalablement être fixée sur la valeur des obstacles et des appuis qu’elle est susceptible de rencontrer : le moindre bouquet d’arbres, le plus humble ruisseau, un épaulement quelconque, la plus chétive taupinière, sans parler des réseaux de fils de fer, ni des blockhaus de mitrailleuses, peuvent, les uns faciliter, les autres gêner l’attaque. Véritable labyrinthe d’écueils mortels, les positions ennemies devaient, on peut le dire sans exagération, être sondées mètre par mètre, car c’est pied à pied qu’on se disputait le sol, comme par exemple à l’Hartmannswillerkopf où, dans l’été de 1916, les opérations, avec des alternatives d’avance et de recul, durèrent trois mois sur un front de trois kilomètres !

En ces luttes où la parcelle était de réelle importance, tous les gradés, même le chef de demi-section parfois illettré, jouaient un rôle personnel. Dans l’exécution fréquente des coups de main, une correspondance continue s’échangeait avec l’arrière. Pour que tout le monde se comprit dans les ordres et rapports qui s’entrecroisaient, il fallait des deux côtés un graphique similaire et lumineux d’où se détachassent, nettement, les noms donnés arbitrairement aux points qui intéressaient la tactique. En tous sens, mais très distinctes, s’éparpillaient des dénominations dont chacune ne relevait que de la fantaisie du premier qui l’avait écrite. Il y avait, par exemple, le bois en V ; le bois en T ; le bois en U ; le bois Sabot ; le Trapèze ; le ravin de la Mort ; la tranchée des Bébés ; celle du Turkestan ; les boyaux de Hongrie, du Casque, des Valkyries, et d’autres qui eurent leur moment de tragique célébrité. Des arbres mêmes bénéficièrent d’un état civil. Seuls les réseaux de fils de fer n’eurent point les honneurs du baptême. On se bornait à indiquer leurs sinuo-