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maintenir très élevé, à l’abri de chômages d’usine, ou de difficultés de transport. Car le papier, pour cette administration, c’est en définitive être ou ne pas être. Or, fin 1914, les prix majorés de jour en jour et hors de toute proportion, peut-être par des accaparements de sous-produits, empêchaient le fonctionnement des grandes papeteries outillées spécialement pour alimenter le Service géographique. Armé des pleins pouvoirs du ministre de la Guerre, le directeur, par ses réquisitions immédiates et par les effets d’un décret d’interdiction de sortie des matières utiles à la papeterie, remit les choses en leur état normal. Et le 10 décembre 1914, le général Bourgeois, dans son rapport au ministre, pouvait dire : « Les marchés en cours de livraison, les stocks de matières premières permettent au Service géographique de l’armée d’envisager l’avenir avec sécurité, dût la guerre durer plus de deux ans encore. La question des cartes ne se pose donc pas ; l’armée peut en user de la façon la plus large, elle sera toujours servie. »

La fabrication difficile et délicate de cartes en aussi grand nombre qu’on en désirât, — ce nombre dépassa seize millions pendant la guerre, — et leur acheminement à tous les points du front, étant désormais réglés, comme une machine automatique pour ainsi dire, n’exigeaient plus du directeur qu’une surveillance de quelques instants au rapport du matin.

Artilleur de carrière, passionné pour tous les problèmes scientifiques de son arme, le général Bourgeois ne tarda pas à trouver un champ d’activité qui élargit singulièrement le rôle du Service géographique, tel qu’il avait été prévu pour le temps de guerre, aussi bien par la France que par l’Allemagne. Ici ni là, tant était grande la conviction d’une guerre à décision rapide, personne n’avait envisagé le Service géographique autrement qu’à titre de fournisseur de cartes. Or ce qui ne devait être qu’une sorte de maison d’édition de documents géographiques devint en outre bientôt en France le centre de projection de toutes les lumières propres à révéler, heure par heure, sur un front de six cents kilomètres, à l’artillerie et aux autres armes, les détails des organisations ennemies, et ceux de notre sphère d’action. Cette innovation issue des conjonctures inattendues de la guerre moderne exigeait de nombreux collaborateurs dont l'éducation spéciale vint encore à la charge du Service géographique. Plus de mille officiers, chargés d’interpréter