Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 17.djvu/434

Cette page n’a pas encore été corrigée

ment de l’ennemi débouchant formidablement par le Nord-Ouest. Non seulement Paris était menacé, mais Tours faisait face maintenant à l’extrême gauche de notre front. Grave inconvénient auquel le général Bourgeois remédia en toute célérité. Il choisit Clermont-Ferrand comme troisième centre de distribution. A des conditions avantageuses, fut loué un couvent de sœurs de charité, local immense,suffisant au besoin pour y établir également le principal de la fabrication. Ainsi se trouvait-on paré à tout événement : si Paris était assiégé, Tours devenait le centre de distribution pour la gauche de nos armées, et Clermont-Ferrand pour la droite.

Le 2 septembre 1914, le Gouvernement part pour Bordeaux, emmenant tous les ministères et leurs directions. Le Service géographique ne pouvait songer à transporter en province l’ancien fonds des cartes du Dépôt de la Guerre. Composé de cartes gravées depuis le règne de Louis XV, y compris celles de Cassini, ce fonds est d’une valeur inestimable. Le directeur le fit emmurer, sans traces visibles, dans les vastes caves du n° 138 de la rue de Grenelle (hôtel de Sens). Par excès de précaution, on aménagea à Bordeaux un troisième centre de fabrication. Mais l’objet important, celui qui, dans la pensée du général Bourgeois, ne pouvait souffrir ni interruption, ni délai, c’était la distribution des cartes de remplacement. Laisser venir les demandes à Bordeaux, c’est-à-dire à la direction, ainsi que l’aurait voulu le règlement dont ne se départirent malheureusement pas d’autres services, c’était organiser le retard et le désordre. Car, du front à Bordeaux, et retour, il fallait compter au moins trois jours, au bout desquels les intéressés risquaient fort d’avoir changé d’adresse. Rompant avec une tradition inapplicable, selon lui, en l’occurrence, le général ordonna que toutes les demandes de cartes seraient envoyées en double, l’une à Paris, l’autre à Bordeaux, et que, sans attendre l’avis de son chef, Paris donnerait satisfaction aux corps qui étaient en ligne. Il estimait qu’un double emploi de cartes était préférable à la pénurie dans une unité quelconque. Il tenait pour principe absolu que les combattants devaient, en tout, pour tout et partout, avoir le sentiment que l’arrière ne les laissera jamais manquer de rien. Toutefois, il avait fallu préalablement conjurer une crise très grave : la menace de voir diminuer le stock permanent de papier que le général avait toujours entendu