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Je sais où trouver nos amis. Les Frères de la doctrine chrétienne sont accourus ici, comme à l’appel du canon, quand ils ont su que les Carmes avaient abandonné notre protectorat pour réclamer celui de l’Italie et substituaient l’enseignement de l’italien au français. À côté d’eux, les sœurs de Saint-Joseph tiennent un dispensaire (trop petit), où elles soignent les malades gratuitement, et elles voudraient ouvrir une salle d’asile gratuite. Ces riches d’Alexandrette qui, me dit-on, se détachent de nous, sont des gens mal préparés, qui ne savent pas le passé, qui ne voient que leur port et le Bagdad. L’efficacité de la France est plus large. Système sublime de ces religieux et religieuses qui, pour soustraire l’idée française à toutes les vicissitudes, la relient au ciel et à ce qui ne meurt pas. La France qu’ils enseignent et dont ils sont les témoins, c’est toujours les Gesta Dei. Plaise aux marins allemands, quand ils vont à Alexandrette, de dire : « Nous allons chez nous ! » En dépit de ces fanfaronnades, nous avons une telle avance spirituelle que nous distancerons longtemps l’Allemagne, rien qu’en gardant nos institutions d’enseignement et de charité. On parle toujours de leurs commis-voyageurs ; on remarque qu’au long de leur chemin de fer de Mésopotamie s’étendent des terres d’un avenir considérable. Eh ! oui, mais alors c’est aux Anglais qu’ils vont se heurter. Et toutes les questions se régleront, un jour, sur le Rhin.

D’ailleurs, voici un petit fait qui ne manque pas de sens. M. Kosrof G. Adanalyan, un Arménien qui, depuis Alep, nous accompagnait pour nous faciliter les rapports avec nos cochers, et en général toutes les conversations du voyage, vient de nous faire ses adieux. Et quand nous avons désiré reconnaître ses bons services, il n’a jamais voulu accepter un centime : « C’est pour la France, répète-t-il. Et puisse son jour venir !… »


ISSUS

Le lendemain matin, à l’heure où nous prenons le chemin de fer qui relie Alexandrette à Adana, les marins du bateau allemand que j’ai vu en rade y montent avec nous. On les promène, pour faire admirer aux populations leur force et leur belle tenue. Nous voyagerons de compagnie jusqu’à Issus. Issus ! Des champs de blé et des bosquets de peupliers, encerclés