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devenues ? Les vainqueurs vous ont-ils islamisées, ou bien la montagne, ravinée par les pluies et qui ne cesse pas de glisser avec les débris de ses fortifications dans la vallée de l’Oronte, vous a-t-elle ensevelies ? Nul ne s’en inquiète dans cette petite ville, humble et charmante, d’Antakiyé. C’est assez d’y jouir de la brise de mer qui rafraîchit continuellement l’été, et d’aller s’asseoir à l’ombre des micocouliers, auprès de la rivière.

Au milieu de ce village, oublieux et replié sur lui-même, la maison hospitalière du consul. À l’extérieur, une espèce de couvent, et puis on pénètre dans une vaste cour, plantée d’orangers, de néfliers et de mandariniers. Elle sert, au mois de juin, de salle de réception, et sur ses tables s’étalent les journaux, les revues, les livres de France. Nous y avons déjeuné à l’ombre de deux superbes orangers, pour retourner bien vite à notre visite interrompue.

Cette fois, nous sommes sortis de l’Antakiyé moderne, pour nous promener sur l’emplacement de la vieille Antioche, parmi des rocailles, des caveaux, des ronces et quelques vergers. Les siècles ont effacé du sol cette superbe cité, qui fut la troisième de l’Empire, la plus belle et la plus étendue après Rome et Alexandrie ; et des milliers de chefs-d’œuvre qui la décoraient, on ne peut me montrer que deux sarcophages et la statue d’un inconnu, recueillis dans la cour du sérail. Sur sa poussière subsiste seule la couronne dentelée de ses remparts byzantins. Leurs énormes murailles, flanquées de trois cent soixante tourelles, suivent d’abord l’Oronte, puis escaladent la montagne. Ils enferment dans leur enceinte quatre collines, nous faisant ainsi souvenir qu’Antioche s’élevait en partie dans la plaine et en partie sur les hauteurs. Aujourd’hui, beaucoup de tours, Près d’Antakiyé et de l’Oronte, ont été rasées ou transformées en maisons, mais toutes, ce me semble, subsistent, à partir du point où la muraille s’élève le long des pentes et suit les sinuosités de la montagne. J’ai erré tout l’après-midi dans ce désert où rien ne guide l’imagination. Que donneraient des fouilles ? Contenau distingue mal sur quels points il les tenterait. Les repères font défaut, les débris du passé ayant été indéfiniment repris dans de nouvelles constructions, elles-mêmes démolies, puis relevées, vingt fois.

À travers un champ de blé, sous les oliviers, les figuiers, les