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ou tout au moins un dispensaire. Pour venir à bout de toutes ces ambitions, collège de garçons, collège de filles, orphelinat, dispensaire, ils demandent soixante mille francs :

— Quel que soit l’établissement étranger, allemand, ou italien, qui viendra s’installer dans cette ville, d’emblée il obtiendra de son gouvernement une subvention de première installation au moins égale à cette somme. Je l’affirme d’après ce qui se passe dans des villes voisines. Eh bien ! la France, qui a partie liée avec nous à Antioche, ne sent-elle pas son intérêt de nous aider ? Elle sait bien qu’au temps des massacres de 1909, nous tous, religieuses et missionnaires, nous lui avons fait honneur.

« La France sait… » Mais c’est la question, mes Pères ! Tandis que je visite les deux écoles, j’ai été rejoint par notre consul, M. Albert Potion. Voilà un homme ! Mais qui le connaît ? Je puis le peindre en toute liberté, aujourd’hui qu’il est mort ; et je ne ferai pas d’éloquence d’épitaphe, car je copie quelques lignes de ses états de service : « Pendant la crise de 1909, se trouvant à Beyrouth, sur le point de partir en congé, il apprend les massacres d’Antioche, revient en toute hâte à Alep, et rejoint son poste en pleine insurrection. Il use de son autorité pour des Arméniens cachés, et sauve des vies en les plaçant sous sa protection. Le commandant du navire anglais en mission communique ce court rapport « M. Potton domine la situation et le calme est rétabli. »

Des mots bien froids. Mais voyez ce qu’ils contiennent. À Beyrouth, un débat intérieur : « Je suis en congé. Est-il nécessaire que je revienne ? » Au retour, d’Alep à Antioche, de grandes chances d’être massacré par les bandes qui battent la campagne. À Antioche, il prêche, il menace les autorités ottomanes, complaisantes aux massacres, et même couvertes de sang ; il hospitalise chez lui, pendant plus de deux mois, plus de cent femmes et enfants, dont plusieurs blessés ; il ramène chez lui plus de trente malheureux qui, de crainte d’être égorgés, se cachaient dans des grottes des environs… Eh bien ! Albert Potton est mort en 1921, pas même décoré. L’excuse de l’administration, c’est qu’il n’a rien fait que ce que faisaient notre consul d’Alep, l’admirable Roqueferrier, et les religieux d’Alexandrette, de Tarse et d’Adana.

Moi, simple passant, j’ai pour devoir de leur rendre