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rendre visite de la part du Roi, revinrent le lendemain. Puis, ce furent le nonce du Pape et les ambassadeurs, puis les grands et le duc de Lerme, qui lui annonça que Sa Majesté Catholique ajournait l’audience pour lui permettre de se reposer.

Mais comment se reposer, quand on est comblé, accablé, poursuivi jusque chez soi d’honneurs, de politesses, de galanteries ? Des carrosses s’arrêtent devant son logis. Dans ces carrosses, des dames qui lui « donnent la musique elles-mêmes » quand il est aux fenêtres, qui l’appellent, quand il n’y est pas. Elles lui envoient des gants, des parfums, des eaux, des confitures, « toutes sortes de régals. » Elles publient à haute voix qu’elles n’ont jamais vu personne ni de si belle mine, ni de si belle taille. » Elles admirent sa livrée, sa vaisselle d’argent, ses deux tables de cinquante couverts et à quatre services toujours ouvertes à tout le monde, elles assistent à son dîner et à son souper.

Les poètes, Lope de Vega lui-même, ont célébré cette entrée, le cortège, le duc, avec un enthousiasme égal à celui des dames, l’enthousiasme obligatoire de la poésie officielle ! Dans un des romances, une strophe déclare que le duc d’Umena est digne d’être adoré ! Rien de plus, mais rien de moins.

Comme on peut s’en douter, ce ne sont pas les occupations et les préoccupations qui manquent à l’ambassadeur extraordinaire. Il lui faut écrire de longues relations détaillées à Marie de Médicis, à Puisieux, à Villerov. Et tout de suite il a à résoudre un cas difficile. Il apprend par Vaucelas, qui en tient la nouvelle du secrétaire Arostiqui, que l’infante doit être saluée, dès la première audience, des titres de reine et de majesté. Telle est la volonté du Roi Catholique. Mayenne peut-il s’y soumettre sans la permission du Roi Très Chrétien ? Il s’avise alors d’un expédient qu’il croit ingénieux. « C’est, explique-t-il à Marie de Médicis, que j’ai fait entendre à l’infante par Mme de Vaucelas qu’étant la maîtresse de mon Roi, elle ne pouvait commander ce qu’il lui plairait, et que je m’assurais tant de l’affection de Vos Majestés pour elle et particulièrement du Roi, qu’elles auraient très agréable que j’obéisse à ce qu’elle m’ordonnerait. » Quand vous commanderez, vous serez obéie.

L’infante, enchantée d’être traitée en reine (elle avait onze ans), confirma naturellement l’avis du Roi son père ; elle commanda, et Mayenne obéit. L’audience fut fixée au 21 juillet.