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centralisation excessive, d’unitarisme maladroit et tracassier, qui ne respecte même pas la liberté religieuse. On ignore encore si M. Raditch et ses partisans s’abstiendront de siéger au parlement de Belgrade, comme ils l’ont fait au cours de la précédente législature ; s’ils restent intransigeants, le Gouvernement trouera aisément une majorité dans une chambre réduite à 245 membres : ce serait la continuation du régime actuel avec ses dangereuses conséquences. Si le parti paysan renonce à son étiquette républicaine, prête serment au Roi et siège au Parlement, ou bien il faudra compter avec lui et ses alliés, ou reconstituer contre eux la coalition radicale-démocrate ; mais les démocrates sont, eux aussi, ulcérés des procédés autoritaires de M. Pachitch. Il est encore temps de sauver l’unité des trois grande rameaux de la famille yougo-slave, mais il n’est que temps de changer de méthode. La cohésion nationale ne saurait être l’œuvre d’un jour et elle ne sera forte que si les cœurs y donnent leur libre consentement. Les Slaves, ceux des Balkans en particulier, n’ont ni la vertu de patience, ni l’esprit de transaction. Ceux qui, comme les Français ont été, de tout temps, leurs amis et, pendant la Grande Guerre, leurs alliés, ont le droit de leur dire, au moment où ils risquent de compromettre les résultats de la victoire, que le temps ne respecte que les œuvres auxquelles il collabore et que l’unité yougo-slave n’a pas été faite seulement par la force des armes serbes, mais aussi par l’adhésion spontanée des peuples et par le concours des Alliés. Un brillant avenir de puissance et de civilisation est promis à l’État yougo-slave pourvu que ses gouvernants ne compromettent pas, dans l’intérêt d’un parti ou d’une région, l’œuvre nationale. L’unité, pour être durable, ne doit pas être imposée mais acceptée.

Un autre membre de la Petite Entente, la Roumanie, traverse, lui aussi, une crise politique. Une nouvelle constitution a été votée sous les auspices du ministère Bratiano par 262 voix contre 8 ; mais les députés de l’opposition et, en particulier, ceux de Transylvanie, et de Bessarabie, n’ont pris part ni aux discussions ni au vote qu’ils regardent comme illégal. L’État de siège a été proclamé. S’il faut en croire les dépêches des agences, les députés de l’opposition et parmi eux M. de Vaïda-Voïvod, ancien président du conseil et transylvain, étaient, durant le scrutin final, gardés à vue dans un immeuble que les pompiers arrosaient sans relâche afin d’empêcher toute communication avec l’extérieur. Les universités, l’armée, l’opinion publique sont en effervescence ; de nombreux officiers ont présenté leur démissionnes cours des universités ont été suspendus durant plusieurs