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M. Bonar Law et d’autres personnages touchant au Gouvernement, et fait visite à M. Lloyd George. Le Daily Telegraph profite de la circonstance pour exposer un plan de réparations qu’il prétend correspondre aux idées de certains milieux influents de France (5 avril). Intrigues allemandes, ballons d’essai de la presse britannique, il n’y a, dans toutes ces manifestations, que des tentatives pour amorcer des conversations indirectes ou connaître les intentions du Gouvernement français. M. Poincaré n’en paraît point ému ; il s’en tient à la déclaration de Bruxelles et à ses propres discours ; il veille à la quotidienne amélioration des transports et du rendement économique et financier de la Ruhr ; 4 000 tonnes de coke parviennent maintenant chaque jour en France : c’est un résultat encourageant, le plus propre à faire réfléchir les Allemands. La France, groupée derrière son chef, attend sans impatience l’heure, dont elle travaille à hâter l’échéance, où l’Allemagne, une fois encore responsable de la guerre, devra, une fois encore, demander la paix.


La Petite Entente est l’un des fondements du nouvel ordre européen. L’un de ses membres, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, traverse une crise politique dont les élections qui viennent d’avoir lieu le 18 mars permettent de mesurer la gravité et dont des renseignements précis et contrôlés nous permettent aujourd’hui seulement de donner ici un aperçu. L’État Tchécoslovaque s’est constitué, au moment de la dislocation de l’empire des Habsbourg, uniquement avec des territoires qui faisaient partie de l’Autriche ou de la Hongrie ; au contraire, l’État Yougoslave s’est formé par la libre union, avec la Serbie victorieuse, de provinces détachées de l’Autriche et de la Hongrie. Au moment où la guerre prit fin, l’ancien royaume de Serbie grossi, en 1913 (traité de Bucarest), de la Macédoine et de la Vieille-Serbie, se trouvait, avec son allié le Monténégro, dans le camp des vainqueurs. Au contraire, la Croatie, la Dalmatie, le pays slovène (Carniole), la Bosnie, l’Herzégovine, le Banat, la Voïvodina, faisaient partie d’un Empire vaincu mais recevaient l’armée serbe en libératrice. Les Croates et les Slovènes sont séparés depuis le XIe siècle de leurs frères Serbes ; tandis que l’influence de Byzance et la conquête turque entraînaient les Serbes vers l’Orient et l’Orthodoxie, l’attraction de Vienne et de Rome faisait participer les Croates et les Slovènes à la vie de l’Occident et du Catholicisme. Tous, en 1918, après l’épreuve de la Grande Guerre, avaient conscience d’être les rameaux d’un même peuple et souhaitaient