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Chronique 14 avril 1923

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

La tactique du Gouvernement du Reich était depuis longtemps démasquée : pour galvaniser la résistance « passive » et soulever la révolte indignée des ouvriers de la Ruhr, il cherchait à lasser la patience des troupes françaises et à provoquer une effusion de sang. Le Gouvernement français en avait prévenu les chancelleries. Le ministre des Affaires étrangères, Dr Rosenberg, dans son discours du 27 mars, annonçait « une explosion des passions populaires. » Dès le 23 février, le député communiste Frœhlich, au Reichstag, prophétisait trait pour trait ce qui devait se réaliser à Essen le 31 mars : Dans une circulaire répandue par la Deutschnationale Volkspartei à Essen, parmi les directeurs des usines de la Ruhr, on lit : Que faites-vous si les Français pénètrent dans les usines ou arrêtent des fonctionnaires ou des ouvriers ? Réponse : Prévenir aussitôt tous les ouvriers et alerter par les sirènes ou d’autres signaux tous les ouvriers des environs, afin qu’au plus vite ils entourent les Français et les menacent avec tout ce qui leur tombe sous la main, marteaux, pics, etc... C’est tout simplement, continuait le député Frœhlich, une excitation à des actes de violence qui entraîneront à des mesures de représailles contre la classe ouvrière. Naturellement les excitateurs ne risquent rien. Ils savent bien que ce sont encore les ouvriers qui paieront de leur sang ces tentatives. » Rien, en Allemagne, n’est spontané, rien ne s’exécute que d’après une théorie. L’incident d’Essen fait partie d’une pièce à plusieurs actes prévus et préparés.

Le 31, à sept heures, un détachement de onze soldats du 160e, conduits par un officier, pénètre dans l’usine Krupp pour y procéder à une réquisition d’automobiles. Le petit nombre de nos soldats souligne le caractère pacifique de l’expédition ; mais il est aussi, pour la direction de l’usine, une tentation. L’effectif, pour toute opération,