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REVUE SCIENTIFIQUE

LA QUERELLE DE L’HEURE D’ÉTÉ

Il faudrait la verve et l’ironie d’un Rabelais ou d’un Swift pour narrer congrument la singulière et burlesque épopée de cette petite réforme anodine qu’on a appelée l’ « heure d’été. » Les coups échangés dans les controverses infinies et encore inachevées qu’a provoquées cette réforme, rappellent en effet parfois les combats de Pichrocole, ou la guerre, qui étonna tant Gulliver, des gros boutiers et des petits boutiers, c’est-à dire de ceux qui prétendaient que l’œuf à la coque doit se manger par le gros bout, et de leurs adversaires acharnés pour qui c’est le petit bout qui doit au contraire être rompu à cet effet.

Certes, dans l’apologue des gros boutiers et des petits boutiers, Swift a surtout voulu faire allusion à ces litiges sans rime ni raison dont l’objet ne mérite pas bataille. Si l’Iliade de l’heure d’été ressemble à ce conflit, c’est seulement par son côté un peu grotesque à certains égards, comme nous verrons ; nullement par l’indifférence avec laquelle on devrait considérer l’objet de la querelle. Celui-ci n’est en effet nullement dénué d’importance, et c’est très nettement que, pour ma part, je prendrai parti pour ceux qui défendent et préconisent l’heure d’été contre ceux qui l’attaquent.

L’idée très simple qui a servi d’origine à l’heure d’été, — que j’ai proposée pour la première fois en France, il y a dix ans, — est la suivante : les actes de la vie sociale, les habitudes des habitants des cités, des commerçants, des industriels, sont réglés par l’heure légale, par l’heure que marquent les montres et les pendules. Je parle exclusivement ici des habitants des villes et non pas des agriculteurs, dont l’activité est uniquement réglée sur le temps qu’il fait, et sur le soleil lui-même, et reste par conséquent, — l’expérience