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il a paru préférable de limiter notre intervention nouvelle à deux impôts : l’impôt sur le vin et l’impôt sur le tabac. En agissant ainsi, nous n’atteignons, en effet, que des produits de luxe, que la législation allemande, contrairement à ses règles habituelles, frappe de tarifs assez élevés. Il est à remarquer de plus que ces tarifs, réglés d’après la valeur des marchandises, conservent toute leur efficacité, malgré la dépréciation du mark ; en effet, un droit de 20 pour 100, par exemple, est toujours indépendant de la valeur de la monnaie.

En signant l’arrêté qui a ordonné ces perceptions nouvelles, le général Dégoutte a pris soin de faire connaitre aux habitants de la Ruhr que notre intervention était une réponse aux procédés de l’administration allemande. Il était apparu d’autre part qu’un assez grand nombre de contribuables allemands accepteraient d’acquitter leurs impôts entre nos mains, soit par intérêt, soit par lassitude, s’ils ne craignaient pas d’être les victimes de représailles ordonnées par Berlin. Déjà, un arrêté de l’autorité d’occupation avait mis sous la sauvegarde des Alliés les individus qui obéiraient à ses instructions. On a jugé utile, à cette occasion, de souligner la valeur de cette promesse. « Il est rappelé, dit la proclamation du général commandant en chef, que les fonctionnaires, employés et particuliers, qui se conforment aux ordres de l’autorité d’occupation, et notamment les contribuables qui acquittent leurs impôts aux caisses désignées par elle, sont formellement placés sous la protection des Gouvernements alliés, dans le présent et à l’avenir ; ceux-ci s’engagent à les garantir contre toutes représailles de la part du Gouvernement allemand, et à ne pas négocier avec lui tant qu’il n’aura pas donné à cet égard des assurances formelles. »

On conçoit toute la portée de cette déclaration. Elle est d’accord avec notre politique générale, qui tend à soustraire les habitants des territoires occupés à l’action malfaisante du Gouvernement de Berlin. Ce serait mal connaitre les Allemands que d’attribuer à des initiatives individuelles la résistance passive que nous rencontrons. Beaucoup d’entre eux s’abstiendraient de contrarier notre action, s’ils n’étaient dominés par la peur de désobéir aux ordres de leur Gouvernement. En se sentant sous notre protection et en constatant que la force est de notre côté, ils ne tarderont sans doute pas à voir s’évanouir en eux les scrupules qu’ils nous opposent. C’est peut-être moins, en effet,