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Du village de la Chapelle on était à moins d’une demi-lieue de la porte Saint-Denys où venait aboutir la route au bord de laquelle se dressait l’église. C’était, entre Saint-Denys et Paris, le point culminant d’un terrain peu accidenté. Là le voyageur venant du Nord commençait à deviner de loin l’approche de la grande ville et s’arrêtait un instant pour laisser souffler sa monture avant de descendre vers Paris. Presque en ligne directe, avec de légères courbes seulement, la route, par de successifs paliers et une pente, tantôt assez douce, tantôt un peu plus rapide, dévalait, bordée de part et d’autre de champs et de vignes [1]. A un petit quart de lieue en avant des murailles de Paris, la descente s’accentuait fortement ; arrivé là, le voyageur rencontrait à sa droite l’antique maladrerie de Saint-Lazare et, de ce point, son regard, par-dessus la rangée de fertiles jardins maraîchers étalés dans la plaine, embrassait le vaste tableau de la ville et de ses monuments : sveltes clochers, lourdes masses des tours du Temple, de la Bastille et du Louvre.

Dans leurs cantonnements, de Montmartre à Aubervilliers, les troupes de France, dès le réveil, après avoir entendu la messe en ce jour de fête solennelle, reçurent leurs ordres de marche et se mirent en mouvement. L’enthousiasme était unanime : la Pucelle était là ! « Il n’y avait personne, de quelque condition qu’il fut, — affirme un témoin, — qui ne dit : « Elle mettra le Roi dans Paris, si à lui ne tient [2]. »


IV. — L’ARTILLERIE DU XVe SIÈCLE

La Pucelle ne pouvait ignorer les formidables défenses accumulées par les Anglo-Bourguignons à la porte Saint Denys. La Bastille, d’autre part, protégeait de sa puissante masse les portes Saint-Antoine et du Temple ; c’est donc à l’extrémité opposée de la ville, vers la porte Saint-Honoré, que Jeanne résolut de diriger l’attaque. La porte Saint-Honoré de l’enceinte de Charles V s’élevait à peu près exactement à l’endroit où, de nos jours, la rue Saint-Honoré quitte la place du Théâtre-Français [3] ; sa voûte s’ouvrait à travers un bâtiment rectangulaire

  1. Notamment la vigne appartenant à un bourgeois de Paris, nomme Jean de Calais. Voy. A. Longnon, op. cit., p. 307.
  2. Chronique de Perceval de Cagny. Ayroles, III, 191.
  3. A la hauteur des n° 161 et 163 de la rue Saint-Honoré.