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bâtiment ayant conservé toute son apparence rurale : un puits se creuse dans la cour, des poules y picorent sur le fumier ; cette ferme est connue sous le nom de « Logis Sainte-Geneviève. » Le même logis, à cause de la sainteté des souvenirs qui s’y rattachaient et surtout à cause de la proximité de l’église, aurait été aussi celui de la Pucelle.

Dès son arrivée, Jeanne, selon sa constante coutume, ne manqua pas d’aller à l’église, y fit ses oraisons et demanda au clergé de chanter l’antienne de Notre Dame, avec d’autant plus de ferveur que le lendemain, jour de l’attaque, était celui d’une fête solennelle de la Vierge : la Nativité Notre-Dame.

Le soir venu, dans l’humble église, à la lueur des cierges, longue fut la veillée des armes ; court fut ensuite le repos. Le lendemain jeudi 8 septembre, dès l’aube, Jeanne était debout. Entendre la messe en ce jour de fête et recevoir la sainte communion fut sa première pensée.

« J’ai connu la Pucelle être très dévote créature, — a déclaré au procès l’écuyer qui ne la quittait point, — elle se maintenait très dévotement en oyant le divin service de Notre Seigneur, lequel continuellement elle voulait ouïr ; c’est assavoir aux jours solennels la grand messe du lieu où elle était, avec les heures subséquentes, et les autres jours une basse messe. Elle était accoutumée d’ouïr messe tous les jours s’il lui était possible [1]. » « Elle était très dévote, dit un autre témoin, — se confessait souvent et recevait le précieux corps de Jésus-Christ [2]. »

En cette église fondée par sainte Geneviève et pleine encore des souvenirs de la libératrice de Paris, Jeanne, en son armure, toute prête à marcher à une délivrance nouvelle, s’agenouilla sur un sol que nous pouvons vénérer, devant des piliers que nous pouvons voir, au pied d’un autel dont l’emplacement demeure. Fortifiée par la prière, sanctifiée par la communion, elle se releva pour marcher à sa mission divine.

Elle eut bien voulu, elle si pieuse envers Notre Dame, « garder sa fête d’un bout jusqu’à l’autre [3], » mais, depuis quinze jours, les inexplicables hésitations du Roi l’avaient forcée à retarder l’attaque de Paris ; elle lit donner sur-le-champ à l’armée l’ordre de se mettre en marche.

  1. Procès. Déposition de Jean d’Auton. Ayroles, IV, 214.
  2. Chronique de la Pucelle. Ayroles III. 25.
  3. Interrogatoire au procès. Ayroles, IV, 70.