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à sa compagnie. Mais parce que le Roi, malgré sa promesse, ne venait pas encore, le duc d’Alençon retourna vers lui le lundi suivant, cinquième du mois. Il fit tant que le Roi se mit en chemin, et, le mercredi, il fut diner à Saint-Denys » [1].

Enfin le Roi était là !

Après une si longue attente, Jeanne ne voulut pas retarder davantage sa marche sur Paris et, résolue à attaquer dès le lendemain, vint s’installer, pour la nuit, à mi-chemin entre Saint-Denys et la ville, au village de la Chapelle [2]. C’était, au milieu des champs, parmi les blés et les vignes, un gros village auquel sa situation même donnait une réelle importance. Dans la plaine qui le séparait de Saint-Denys, se tenait, chaque année au mois de juin, la foire fameuse du Landit, le marché aux parchemins cher à l’Université et qu’inaugurait un solennel et joyeux cortège des écoliers. En une des fresques de la Sorbonne nouvelle, sous la galerie de la grande cour, le peintre J.-J. Weerts nous fait voir, de façon très vivante, les étudiants, sortis de Paris par la porte Saint-Denys, arrivant au moulin à vent de la Chapelle.

Une lointaine tradition fait remonter jusqu’à sainte Geneviève, patronne de Paris, l’origine de ce village. La sainte bergère qui sauva la ville des fureurs d’Attila avait coutume, dit-on, lorsqu’elle se rendait à Saint-Denys pour prier au tombeau des martyrs, de se reposer en une « villa » ou ferme située à mi-chemin. Après sa mort, une chapelle fut, en son honneur, érigée en ce lieu et, autour de celle-ci, se groupa le village, qui garda le nom de La Chapelle. Telle est la localité dans laquelle Jeanne se logea.

« La Pucelle, aussitôt qu’elle venait dans un village, — dit un témoin de sa vie, — avait coutume de s’en aller à l’église faire ses oraisons et de faire chanter aux prêtres une antienne de Notre Dame. Ses prières et oraisons faites, elle s’en allait à son logis, qui lui était communément préparé en la plus honnête maison qu’on pouvait trouver [3]. » Ainsi fut choisi le logis de Jeanne au village de la Chapelle.

En ce quartier, aujourd’hui englobé dans l’immense Paris, et où a depuis longtemps disparu jusqu’au souvenir des vignes et des champs, on montre encore, derrière l’église, un vieux

  1. Chronique de Perceval de Cagny. Ayroles, III, 191.
  2. Chronique de la Pucelle. Ayroles, III, 108.
  3. Chronique de la Pucelle. Ayroles, III, 95.